Article publié au printemps 2017

Le leadership transformationnel est sur toutes les lèvres. Mais comment y parvenir?

Notre dernier billet était consacré à la différence entre le leadership du gestionnaire traditionnel et celui du gestionnaire transformationnel. Si la seconde façon d’être tend à s’imposer, en raison de l’envergure des transformations que vivent les organisations, encore faut-il savoir comment le gestionnaire peut développer ce nouveau talent pour propulser son entreprise sur la voie de la transformation continue.

Le constat est sur toutes les lèvres : les organisations sont sous pression. En plus de devoir performer plus que jamais, pour survivre à la concurrence et même la dépasser, elles doivent évoluer dans un contexte de changement continu. Le gestionnaire se voit donc dans l’obligation de superposer plusieurs chantiers entre autres : celui du virage numérique, celui du changement culturel pour placer le client au cœur des décisions, voire celui de la redéfinition même de l’organisation, de ses valeurs actuelles et à venir. Les leaders se trouvent ainsi au centre d’un système complexe et multidimensionnel qu’ils doivent appréhender et pouvoir traduire pour eux-mêmes et leurs équipes afin d’amener l’organisation, les équipes et les individus à se transformer.

De là, jamais son organisation ne pourra relever les nouveaux défis qui se présentent s’il ne change pas lui-même en développant un leadership axé sur le soutien, le développement et la mise en valeur du potentiel de ses troupes, sur la notion de collaboration 2.0 qui implique de partager du pouvoir et de la prise de décision avec ses équipes (pas seulement de la collaboration de type consultation). Jamais il ne sera le leader transformationnel dont son organisation a besoin s’il ne développe pas sa capacité à naviguer entre stratégie et opérations, à insuffler une direction qui a  du sens et qui mobilise les énergies de ses troupes. Avec intelligence et doigté, c’est-à-dire en valorisant le dialogue et la mise en action des nouvelles idées dans une logique d’innovation dans laquelle les échanges audacieux et stimulants ont toute leur place.

Pour assumer cette responsabilité et développer ce talent, de nombreux gestionnaires et dirigeants poursuivent leur développement professionnel au-delà de leur formation universitaire initiale. Déjà en 2009, Hughes et Campbell prévoyaient que 44 % du budget de formation continue au Canada serait consacré à la formation des gestionnaires. Ce n’est pas rien. 

Les programmes actuels

S’ils sont nombreux et diversifiés, les programmes aujourd’hui offerts s’articulent autour de deux grands axes :

  1. Les formations en leadership organisationnel, centrées sur des thèmes particuliers liés à l’expression du leadership dans l’organisation;
  2. Les formations en leadership personnel, centrées sur la connaissance et le développement du leader, pour qu’il apprenne à se connaître, à utiliser son pouvoir, à gérer ses relations interpersonnelles, à inspirer ses équipes, à prendre conscience de ses paradigmes, etc.

Pour chacun de ces deux axes, nous rencontrons ensuite deux formats de programme :

  1. Le format traditionnel, que l’on pourrait dire générique, où un groupe de leaders met de l’avant son expérience accumulée à travers les années et les défis rencontrés (« leadership timing »);
  2. Le format non traditionnel, éclaté et modulable, impliquant parfois des expériences immersives, voire spectaculaires.

Si peu d’études empiriques se sont attardées à mesurer l’efficacité des différents programmes de développement du leadership, Baron et Baron ont constaté sans surprise que l’être humain apprend et se développe beaucoup mieux par l’expérimentation et le retour sur l’expérience que par l’enseignement de contenus magistraux et décontextualisés.

Les rares études empiriques sur le sujet (Baron et Parent, 2015; Eich, 2008) suggèrent que la participation à une communauté d’apprentissage qui s’attarde à l’expérience et à la pratique des gestionnaires enrichit significativement leur expérience de développement professionnel. Comme ils permettent d’explorer toute la complexité de leurs défis contextuels, ces groupes d’apprentissage génèrent des savoirs transposables dans l’action, qui servent autant le développement des gestionnaires que celui de leur organisation.

Le tableau suivant schématise cette montée en puissance : au savoir s’ajoute non seulement le savoir-faire, mais aussi le savoir-être. 

Leader

Vers un programme axé sur la réinvention des leaders

Un programme de développement du leadership axé sur la capacité à se transformeraura donc tout avantage à mettre de l’avant les principes suivants :

  1. Dépoussiérer le « Connais-toi toi-même » du vieux Socrate en identifiant les comportements, attitudes, pensées sous-jacentes du participant afin de cerner sa personnalité et de faire vivre les préalables nécessaires au développement de son leadership. Et relire le mot de Tolstoï reproduit au début de ce texte;
  2. Être adapté au contexte du participant : sa situation dans l’entreprise, son poste, et ses responsabilités;
  3. Aborder le leadership et ses enjeux dans le contexte des missions quotidiennes du participant, dans un mouvement d’aller-retour entre l’action et la réflexion qui lui permettra de faire le lien avec l’évolution de son entreprise, mais aussi de remettre en question les idées préconçues sur le leadership;
  4. Être étalé dans le temps, sur quelques mois, afin de favoriser une prise de conscience et une mise en action;
  5. Être basé sur un référentiel de compétences transformationnelles, les compétences traditionnelles n’étant plus suffisantes pour le gestionnaire d’aujourd’hui;
  6. Offrir  une opportunité de « codéveloppement » riche entre les participants (co-coaching…) où les leaders développent de nouveaux liens qui vont leur permettre de diversifier les points de vue et les expériences sur le leadership et la transformation et les inciter par la suite à s’appuyer sur des collègues qui partagent une réalité et des défis semblables (esprit de communauté);
  7. Pouvoir poursuivre ses apprentissages au-delà du programme et mesurer concrètement les résultats obtenus à la suite du programme : les résultats sur l’individu et sur l’organisation.

La nécessaire transformation continue des organisations prescrit que les gestionnaires soient eux-mêmes des leaders ès transformation. Car pour réinventer leur organisation, pour s’assurer qu’elles questionnent et qu’elles actualisent leur modèle de pensée, ils n’ont d’autre choix que de se réinventer eux-mêmes…

Action!