L’expérience utilisateur, c’est le nerf de la guerre pour les entreprises. C’est ce qui fait qu’un client reviendra ou pas. Comment s’assurer qu’on met en place une expérience qui sera agréable pour ses utilisateurs et adaptée à leurs besoins? La réponse est complexe. Et surtout, elle va bien au-delà du design d’interface!

L’exemple incontournable en expérience utilisateur est certainement Amazon, un site pourtant d’apparence banale. «Il ne nous fait pas vivre d’émotions, mais il marche, parce qu’Amazon a investi son énergie dans ce qui compte vraiment pour le client : le réseau de livraison qui permet, dans les grandes villes américaines, d’obtenir sa commande dans la journée», indique Jean-François Renaud, cofondateur de la firme d’experts en stratégie numérique Adviso et formateur en commerce électronique à HEC Montréal.

Mettre l’utilisateur au centre du développement

Pour mettre le doigt sur ce qui compte vraiment pour l’utilisateur, il faut aller vérifier plutôt que de tenir pour acquis ce qu’on sait. «L’humain, que ce soit le client ou l’employé pour qui on développe le produit ou le service, doit être au centre du processus», souligne Pierre-Majorique Léger, professeur titulaire au Département de technologies de l’information de HEC Montréal.

Une fois qu’on a observé les données et écouté l’utilisateur, il faut générer des idées et faire un prototype qui répondra à ses besoins. «Il faut tester rapidement son prototype, observer et écouter à nouveau ses utilisateurs, ajoute M. Léger. Les organisations qui ont du succès sont capables rapidement de voir si elles ont échoué pour ensuite essayer autre chose qui répondra mieux aux besoins des utilisateurs. Il faut reconnaître que c’est impossible de créer quelque chose de parfait du premier coup.»

L’art du compromis

Lorsqu’une entreprise décide de se concentrer sur ce qui compte vraiment pour ses clients, elle doit nécessairement faire des sacrifices. Jean-François Renaud donne l’exemple d’Altitude Sports, qui a fermé ses magasins pour se concentrer sur son site Web ainsi que sur la livraison des produits le jour même. «L’entreprise s’est rendu compte que ses concurrents étaient Amazon et Backcountry et qu’en gardant ses magasins, elle offrirait une expérience correcte sur le Web, mais pas exceptionnelle, explique-t-il. Cela signifie par exemple que le client aurait reçu son paquet après cinq jours, mais que la fois d’après, il serait fort probablement allé sur Amazon.»

Être toujours prêt à tout changer

Écouter les signaux de l’utilisateur signifie aussi qu’il faut toujours être prêt à modifier son tir. «Cela ralentit l’innovation et cela vient nous compliquer la vie, parce que cela veut dire qu’il faut toujours être prêt à tout lâcher pour recommencer», ajoute M. Renaud. Pour lui, c’est vraiment une culture d’entreprise. «Il faut non seulement ne pas avoir peur du changement et le prendre en considération, mais il faut aussi l’embrasser, avoir le goût de l’entendre.»

Repenser la personnalisation de l’expérience utilisateur

Avec toutes les données générées par nos activités en ligne, il est actuellement facile pour les entreprises de personnaliser l’expérience offerte. Mais tout cela devra changer. «L’information sur les visiteurs des sites Web est enregistrée dans de petits fichiers textes, des cookies, stockés par le navigateur sur le disque dur du visiteur d’un site», résume Sylvain Amoros, professeur associé au Département de marketing de HEC Montréal. Ces cookies tiers servent entre autres à personnaliser l’expérience utilisateur et à faire de la publicité ciblée. Or, il y a eu d’énormes problèmes au niveau de la vie privée et de la sécurité, qu’on pense à Yahoo, qui s’est fait pirater trois milliards de comptes. Ou encore à Cambridge Analytica, qui a détourné les données personnelles de millions d’utilisateurs de Facebook en 2016 pour la campagne électorale de Donald Trump.

«Les géants du Web ont bâti leur fortune sur les données personnelles. Une entreprise s’est pourtant distanciée de ce modèle, soit Apple, qui a un modèle d’affaires basé davantage sur la vente d’appareils, souligne M. Amoros. Apple supprime maintenant en vingt-quatre heures tous les cookies de son navigateur Safari, qui est le plus utilisé au monde sur mobile.» Depuis, Google a annoncé que la même chose sera faite avec Chrome d’ici 2022. «C’est le navigateur numéro un sur la planète si on compte les ordinateurs et les mobiles», indique le professeur.

Les entreprises doivent donc trouver de nouvelles façons pour personnaliser leur expérience. Une solution est de demander aux visiteurs du site de se créer un compte et d’accepter de partager leurs données, comme on le fait par exemple sur Facebook. «Mais pour que les gens aient envie de se créer un compte, même s’ils ne sont pas clients de l’entreprise, on devra leur offrir quelque chose d’intéressant en retour, en plus de pouvoir leur garantir la confidentialité des données récoltées, explique Sylvain Amoros. Ce monopole des géants du Web ne pouvait plus continuer. Une compétition plus saine sera créée. C’est vraiment un moment excitant.»