Les silos ont fait bien des ravages dans les organisations : guerres de clochers, efforts investis inutilement, collaborations inefficaces et, évidemment, incohérences qui font rougir. Plusieurs ont consacré beaucoup d’énergie à sortir de cette mentalité pour tendre vers la coresponsabilité. Or, de nouvelles pratiques émergent et rendent les équipes de plus en plus habiles à travailler sur des défis transversaux.

Néanmoins, au quotidien, deux réalités s’opposent : livrer des résultats pour notre ligne d’affaires et travailler sur des projets transversaux, des réalités qui coexistent sans trop de synergie. Certains employés se sentent en conflit de loyauté envers leurs patrons, tandis que d’autres, officiellement responsables de projets transversaux, semblent se mesurer à des moulins à vent. Ainsi donc, comment rallier ceux qui travaillent dans ces mondes parallèles et éliminer les tensions?

La cohabitation de deux logiques : une occasion à saisir

En regardant froidement la logique verticale (dite traditionnelle), il est possible de dire qu’elle est fondée sur la hiérarchie et qu’elle valorise l’autorité formelle, l’évaluation et la récompense. Dans ce modèle, nous sommes assignés à remplir un rôle et à produire des tâches. Individuellement, nous sommes tenus de livrer des résultats dans un système voué à produire, à performer et à consommer : les transactions humaines s’appuient sur la distribution des responsabilités afin de favoriser la coopération. Les autres sont alors vus comme des compétiteurs potentiels qui pourraient réussir mieux que nous-mêmes. C’est là que réside le problème : ce modèle de culture de gestion, bien que reposant sur la coopération, ne cultive pas la collaboration.

C’est ainsi qu’une seconde logique a émergé : une culture de collaboration, où la coresponsabilité transversale et la synergie entre les différents secteurs de l’organisation permettent de maximiser le potentiel de réussite des missions poursuivies. C’est un appel à contribuer au-delà des limites de nos seules fonctions opérationnelles et des paradigmes de la compétition.

En principe, travailler ensemble fait l’unanimité; que les projets soient délégués aux directions ou à une équipe transversale, leur pertinence doit être intimement liée à la raison d’être de l’entreprise. Néanmoins, en coulisse, des dynamiques de pouvoir sont toujours à l’œuvre autour de l’engagement des uns et des autres, des chances de réussite, de la visibilité du projet, des risques liés à notre réputation, etc. Le règne du « chacun pour soi » n’est pas terminé, même au sein d’une culture misant sur la transversalité!

Les clés d’une véritable collaboration

Pour bâtir une collaboration durable, les liens doivent se tisser sur la base de l’authenticité et de la confiance inconditionnelle. Cependant, « inconditionnelle » ne signifie pas « aveugle »; la confiance doit reposer sur la bonne volonté, malgré l’inconfort que cela peut entraîner. Pour avancer au quotidien en nous engageant dans ce travail d’authenticité, il faut être motivés et fournir les efforts nécessaires. Il s’agit d’une décision personnelle de dire oui à la collaboration, sans condition préétablie ni garantie, et malgré la perte potentielle de pouvoir momentanée qui pourrait être ressentie. Pourtant, il y a tant à gagner au-delà du pouvoir!

La permanence des silos illustre bien qu’il existera toujours des différences, voire des oppositions pouvant faire naître la tension. Or, il est à la fois intéressant et exigeant pour une organisation d’avoir à composer avec la différence. En allant vers les autres, qui ont des intérêts et des croyances différentes des nôtres, nous gagnons en richesse et en ouverture. Pour cela, il faudra contrer nos résistances à la confiance en pratiquant l’altruisme et la bienveillance.

L’engagement des leaders pour donner l’exemple

Pour développer la coresponsabilité ainsi qu’un climat de confiance au sein des équipes, c’est aux leaders que revient la tâche de montrer l’exemple par un engagement fort. Il incombe aux dirigeants, aux cadres et aux chefs d’équipe de réinvestir dans l’humain, par exemple grâce à des programmes de développement, à des incitatifs (rémunération, primes, etc.) et à des processus en ressources humaines qui contribuent aux objectifs organisationnels. Il ne s’agit pas de changer complètement la culture de gestion en claquant des doigts, mais plutôt de faire cohabiter l’ancienne et la nouvelle sans les opposer, en misant sur la structure de l’une et la fluidité de l’autre.

C’est là que les bureaux de transformation et les facilitateurs qui y sont associés peuvent avoir une influence positive. En harmonisant les cibles, en maintenant un équilibre dans l’énergie à déployer au bon endroit et en ajustant les stratégies et les tactiques de déploiement, ils agissent comme des sherpas qui guident la direction dans son cheminement de transformation. Ces facilitateurs transversaux ne doivent pas agir seuls, toutefois : la direction doit avoir une vision globale afin de mener à bien les objectifs de transformation organisationnelle.

Les leviers de transformation sur lesquels miser

Puisque toutes les personnes au sein d’une organisation sont coresponsables de l’évolution de la culture organisationnelle souhaitée, chacune d’entre elles peut s’engager à suivre des pistes d’amélioration visant la collaboration et la synergie :

  • Maintenir une vue d’ensemble sur l’organisation, le plan stratégique et les projets liés
  • Développer une expérience pertinente de gestion dans les deux sphères : verticale et transversale
  • Arbitrer les ressources et capacités avec lucidité
  • Ouvrir les conversations sur des sujets sensibles, comme les dynamiques qui engendrent la méfiance, les questions de l’évaluation et de la reconnaissance, etc.
  • S’engager à collaborer activement et à considérer cet apprentissage organisationnel comme étant tout aussi prioritaire que les mandats en jeu

Dans un contexte professionnel, coopérer est la base, mais c’est en adoptant une réelle responsabilité individuelle envers les autres et envers le but commun poursuivi que la véritable collaboration se réalise. Il faut faire plus que nous contenter d’être là et de réaliser nos tâches; nous devons participer activement à rejoindre les autres en faisant preuve de sincérité, de bienveillance et de vulnérabilité.

Afin d’inspirer les équipes à faire ce travail de réflexion et de responsabilisation, il est impératif de miser sur l’exemple. Plutôt que de gérer les tensions créées par le travail en silos, les leaders des organisations performantes mettent leurs efforts à vivre entre eux cet esprit de collaboration inconditionnel pour engager un véritable changement de culture.