Brainstormer, c’est bien davantage que de réunir des participants autour d’une table et leur demander de lancer des idées. Pour être pleinement efficace, une séance de remue-méninges doit être préparée et facilitée.

Que ce soit pour lancer un produit, trouver un slogan novateur ou réfléchir à une nouvelle proposition de valeur, le brainstorming est un outil universellement connu et utilisé. Il a été développé à la fin des années 1950 par le publicitaire américain Alex F. Osborn, l’un des fondateurs de la célèbre agence BBDO. «Il avait constaté que les personnes créatives ont parfois du mal à travailler ensemble. Il a donc voulu créer une méthode permettant de générer des idées de façon collective», explique Marine Agogué, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal.

Dans son ouvrage Applied Imagination, Alex F. Osborn énoncera les grands principes de sa technique. «Il fixe quatre règles principales : ne pas juger les idées des autres, proposer le plus d’idées possible, il n’y a aucune mauvaise idée et il faut rebondir sur les idées des autres», énumère la professeure.

Un exercice cognitif et social

Mais ce n’est pas tout. Pour atteindre son but, le brainstorming doit être préparé en amont et compter sur un facilitateur. «Ce dernier est au service du groupe. Il prépare le brainstorming, il aide à "l’accouchement des idées" et fait le suivi par la suite», précise Marine Agogué.

Au-delà de l’exercice cognitif, le remue-méninges est aussi une activité sociale où différentes dynamiques sont à l’œuvre. En ce sens, le facilitateur s’assurera que chacun prenne la parole et participe. La professeure souligne d’ailleurs que des recherches ont démontré que les brainstormings non facilités sont moins efficaces.

Une séance de remue-méninges devrait aussi être scénarisée et préparée en amont, confirme Simon Bourdeau, professeur au Département d’analytique, opérations et technologies de l’information de l’ESG UQAM. «Ainsi, il faut établir l’objectif, trouver le bon moment, fixer les critères de réussite, déterminer le mode de fonctionnement, qui sera autour de la table et le rôle de chacun, et créer un espace psychologique où chacun se sentira à l’aise de s’exprimer», ajoute-t-il. Il insiste sur le fait qu’il faut aussi accepter et encourager toutes les idées, même les plus farfelues, sans porter de jugement.

Un processus en plusieurs phases

Le brainstorming comporte plusieurs phases : au début, les participants lancent beaucoup d’idées, puis le cycle créatif se tarit jusqu’à ce que quelqu’un fasse une nouvelle suggestion qui permette d’aller plus loin. «La première boucle est généralement assez pauvre en matériel de qualité. Les idées riches et novatrices émergent lors de la deuxième boucle», indique Annie Boilard, présidente du Réseau Annie RH, formatrice et conférencière en leadership, gestion et communication.

Marine Agogué ajoute que les premières idées qui jaillissent créent également un phénomène d’ancrage et sont susceptibles de bloquer la capacité de créer de façon indépendante par la suite. Il faut donc trouver une façon de dépasser cette phase de «purge». C’est là que le rôle du facilitateur prend tout son sens. Par exemple, il peut proposer des éléments déclencheurs, des phrases ou des images, qui relanceront le processus créatif. Instaurer un ou des moments durant lesquels les participants réfléchiront individuellement et noteront leurs idées avant de les échanger en groupe est aussi une bonne façon de contrer le biais d’ancrage.

Brainstormer à distance

L’idéation en télétravail est-elle possible? Et qu’en est-il du mode hybride? À la première question, les experts interrogés dans le cadre de cet article répondent par la positive. «Plusieurs plateformes sont conçues pour faire du brainstorming à distance, Miro par exemple. Cela a permis de changer la dynamique en introduisant le visuel, un élément très important dans le processus», soulève Simon Bourdeau. On pense aussi à des plateformes comme Mural et Klaxoon.

Pour sa part, Marine Agogué mentionne que ces outils offrent également l’avantage de garder des traces de toutes les idées générées et permettent de créer des moments de travail anonyme. «Des recherches ont démontré que l’on ne génère et qu’on ne sélectionne pas les idées de la même façon lorsque cela se fait de façon anonyme», précise-t-elle.

En revanche, le travail du facilitateur se complique à distance, car il est plus difficile de gérer les interactions sociales et de percevoir le langage non verbal à l’écran. À cette limite près, Annie Boilard considère que les outils technologiques aident considérablement. «Toutefois, on manque peut-être encore un peu de recul et certaines croyances perdurent. Par exemple, plusieurs entreprises, sans doute pour justifier le retour sur les lieux de travail, en profitent pour fixer des réunions, mais aussi des séances d’idéation ces journées-là. Cela peut se comprendre, mais je ne suis pas certaine que cela nous aidera à bien maîtriser le brainstorming à distance», nuance-t-elle.

Quant au mode hybride, le brainstorming s’en accommode difficilement. Selon Simon Bourdeau, il est préférable que les participants soient tous à distance ou tous présents en même temps. «Néanmoins, je crois que la présence physique permet des échanges plus efficaces et plus riches, l’expression se fait de façon rapide, ouverte et fluide», estime-t-il. Il souligne toutefois que l’écoute est généralement meilleure à distance, puisqu’en ligne, les participants ont davantage tendance à écouter les autres jusqu’au bout, au lieu de couper la parole.