Article publié dans l'édition Été 2021 de Gestion

Alors que le travail à distance, complet ou partiel, s’ancre dans la durée, comment assurer son leadership?

Êtes-vous satisfaits de l’instauration du télétravail? Si oui, souhaitez-vous poursuivre cette expérience après la pandémie? Ce sont les questions posées par l’équipe de Tania Saba, professeure à l’École de relations industrielles et titulaire de la Chaire BMO en diversité et gouvernance de l’Université de Montréal, à presque 25 000 employés des secteurs privé et public du Québec, de la France, des États-Unis et de l’Australie.

Résultat? Le Québec est ressorti du lot avec une opinion plus positive à propos du télétravail et une volonté plus forte de continuer dans cette voie. Toutefois, les réponses varient d’un type de milieu de travail à un autre.

«Les gens sont généralement plus satisfaits et ont davantage envie de poursuivre le télétravail dans les entreprises où il y a déjà une bonne organisation du travail et de l’autonomie professionnelle, là où les employés ont l’équipement nécessaire pour bien fonctionner, de bonnes conditions de travail et du soutien émotionnel», a constaté Mme Saba.

Il n’en demeure pas moins qu’un gestionnaire qui commence à gérer une équipe en télétravail doit revoir complètement ses façons de faire. C’est ce qu’a découvert Éric Brunelle, professeur titulaire au Département de management de HEC Montréal, lorsqu’il a commencé à étudier le e-leadership et la direction d’équipes à distance il y a une vingtaine d’années. «Un des plus grands défis consiste à entretenir les liens sociaux, qui passent beaucoup par la dimension informelle, indique-t-il. C’est une source d’information extrêmement riche, mais elle a tendance à disparaître lorsqu’on travaille à distance. Pourtant, le leadership, ça fonctionne mieux lorsque les gens ont envie de te suivre, et ça passe par les relations humaines. Il faut se donner de l’espace pour en créer.»

Il faut aussi y veiller lors de l’intégration de nouveaux employés, notamment en favorisant la socialisation avec les collègues. «Ça se réalise par des contacts en tandem ou en petits groupes et par des expériences communes, affirme M. Brunelle. Il faut les susciter. On peut par exemple jumeler une recrue avec un coéquipier différent chaque jour pour qu’elle puisse lui poser des questions et prendre des pauses avec lui en vidéoconférence. À la fin de la semaine, elle commencera à sentir qu’elle fait partie du groupe. C’est certain que ce n’est pas la même chose qu’en personne, mais c’est mieux que rien.»

Développement professionnel virtuel

Avec le télétravail, plusieurs employés éprouvent beaucoup d’insécurité par rapport à l’évolution de leur carrière. «Ils se demandent par exemple si on pensera à eux pour de beaux projets et pour des promotions, indique M. Brunelle. Or, des études montrent qu’ils ont raison d’avoir peur. Si les gestionnaires n’adoptent pas des pratiques efficaces pour bien connaître les talents et le potentiel de leurs employés, plusieurs risquent d’être oubliés.»

Avec le travail à distance, il est possible que des échanges plus rapprochés s’imposent. «On peut prévoir des discussions plus courtes mais plus fréquentes que l’évaluation annuelle, par exemple une fois par mois, propose le professeur Brunelle. Un peu comme un entraîneur sportif, on peut y aller avec un objectif à la fois et regarder comment l’employé progresse. C’est une nouvelle façon de concevoir la gestion des équipes, parce que le télétravail crée de nouvelles dynamiques émotionnelles et relationnelles.»