«La croissance de la population étudiante a entraîné une nécessaire transformation organisationnelle», signale d’entrée de jeu Philippe Nasr, directeur général du Collège Lionel-Groulx, l’un des plus grands cégeps au Québec.

Cette évolution, bien visible au sein de l’établissement situé dans la banlieue nord de Montréal, repose sur l’adoption d’une gestion transversale. Cette approche novatrice vise à abolir les vases clos traditionnels en favorisant une meilleure coordination entre les différentes équipes.

«Au Collège, cette démarche se traduit par une optimisation des performances et des compétences, grâce à l’adoption d’approches plus directes et collaboratives entre les membres du personnel», explique Philippe Nasr.

Un chantier de cinq ans

Or, cette évolution ne s’est pas produite du jour au lendemain, relève-t-il. Établie dans la structure du Collège Lionel-Groulx depuis août 2024, la gestion transversale germe et fructifie depuis 2019. Le directeur général relate que, durant cette transition, une panoplie d’outils destinés à soutenir le personnel a facilité cette nouvelle forme de collaboration entre les services et les directions, qui ont été en mesure de cibler les priorités du Collège et d’harmoniser leurs efforts autour d’objectifs communs.

L’approche transversale encourage l’implantation de divers pôles, qui demandent la participation de plusieurs joueurs actifs dans différentes équipes. «Le pôle de l’expérience étudiante regroupe des membres de diverses directions qui cartographient le parcours de l’étudiant, illustre Philippe Nasr. L’objectif vise alors l’amélioration de chaque moment clé, de l’admission à la délivrance du diplôme, en passant par les cours et même l’association des diplômés.»

Une expérience étudiante plus fluide

Autrefois, ces responsabilités étaient réparties et segmentées entre plusieurs services (admission, cours, services psychosociaux, etc.). Or, comme le souligne le directeur général, «les étudiants n’ont pas nécessairement besoin de connaître ou de s’arrimer à la structure interne pour profiter d’un parcours fluide».

La gestion transversale améliore donc l’expérience étudiante grâce à des services mieux coordonnés et davantage adaptés à leurs besoins. Autre exemple : Philippe Nasr cite la création d’un centre de services étudiants, un guichet unique où différentes formes d’aide sont désormais centralisées. «Au lieu d’être dirigé vers plusieurs secteurs, l’étudiant peut tout trouver au même endroit, que ce soit pour payer sa vignette de stationnement ou prendre rendez-vous avec un conseiller en orientation.»

Comment créer l’adhésion?

Bien sûr, certains écueils sont à éviter. «L’approche transversale requiert la préparation préalable des équipes de gestion», note Philippe Nasr, qui signale à ce chapitre la collaboration de Réal Jacob, professeur émérite de HEC Montréal et expert en gestion transversale, et de Laval Dubé, consultant en gestion des ressources humaines et des relations de travail.

L’acceptabilité interne est également une préoccupation. «Certains peuvent craindre la perte d’une forme de pouvoir. Or, notre expérience dans le réseau collégial montre que ce modèle donne plus de sens au travail de chacun. Il offre à tous les membres de l’équipe un contrôle accru sur les décisions qui les concernent directement», explique le directeur général.

Philippe Nasr souligne qu’une mobilisation à long terme doit être appuyée par une vision stratégique solide et par des actions coordonnées. «Quand l’alignement est clair et que le message est bien communiqué, les équipes adhèrent plus aisément à la dynamique transversale. D’où l’importance de maintenir un lien constant avec les équipes, de discuter des approches et de valoriser les résultats collectifs et individuels.»

L’humain au cœur de la mission 

Autre avantage : ce virage organisationnel place l’humain et la communauté du Collège Lionel-Groulx au centre de ses priorités, assurant du même souffle une meilleure accessibilité aux études supérieures. «Les organisations publiques gagnent à se doter d’une vision et d’un plan stratégique pour préparer l’avenir, estime Philippe Nasr. Au risque de nous tromper, il faut savoir oser et nous adapter, malgré certaines contraintes inhérentes à l’administration publique.»

L’implantation réussie d’une gestion transversale dans un établissement d’enseignement supérieur exige donc une bonne dose d’audace et de créativité, même en présence d’impératifs. «L’important, c’est de continuer à avancer, pour concrétiser la vision à long terme de l’organisation.» Philippe Nasr note qu’en chemin, des outils appropriés, des formations adéquates et une boucle de rétroaction régulière sont propices au maintien d’un engagement durable.

Pionnier dans le réseau collégial, le Collège Lionel-Groulx a ainsi mis en place un modèle porteur. Au point où plusieurs cégeps, centres de services scolaires et universités manifestent leur intérêt. «Ils souhaitent comprendre notre démarche et les retombées positives. Parce que les principes sur lesquels repose la gestion transversale sont universels et applicables à d’autres établissements», assure Philippe Nasr.