Collaborer et réussir en tant que membre d'un comité exécutif
2016-03-01
French
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2018-08-06
Collaborer et réussir en tant que membre d'un comité exécutif
Habiletés politiques , Management
Article publié dans l'édition printemps 2016 de Gestion
Pour qu’une organisation atteigne ses objectifs, les dirigeants qui se rapportent directement au PDG doivent savoir collaborer. Or, l’environnement hautement politique d’un comité exécutif est souvent plus propice aux conflits qu’à la collaboration. Quelles sont les tactiques que peuvent alors adopter les dirigeants s’ils veulent mieux collaborer afin d’assurer le succès de leur entreprise ?
Comment se fait-il que certains dirigeants aient autant de difficulté à collaborer efficacement alors que d’autres y parviennent si bien ? Incapables d’obtenir l’appui nécessaire de la part de leurs collègues, les dirigeants qui ont du mal à collaborer les traitent alors de mauvais joueurs d’équipe. Or, s’attendre à ce qu’un comité exécutif (comex) fonctionne comme une équipe sportive ou autre est sans doute la première chose qu’ont en commun les dirigeants qui éprouvent des problèmes de collaboration.
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Il faut éviter de confondre « comex » et « équipe »
S’imaginer qu’un comité exécutif œuvre comme une équipe entraîne deux erreurs qui empêchent certains dirigeants de collaborer efficacement. La première est de s’imaginer qu’il existe une définition objective du projet d’entreprise à réaliser avec leurs pairs. La deuxième est de penser que ceux-ci devraient mettre de côté les intérêts de leur unité pour se consacrer à ce projet commun.
La notion de travail d’équipe est très en vogue en entreprise, de sorte qu’on confond souvent les expressions « comité exécutif » et « équipe de direction ». Mais un comex devrait-il être une véritable équipe ? Si un débat sur la question persiste en théorie, les experts sont unanimes : en pratique, il est très rare que ce soit le cas. Or, c’est précisément lorsque les dirigeants s’attendent à ce que leur comex fonctionne comme une équipe que les problèmes surviennent, car il y a une différence fondamentale entre les deux. Pour une équipe, le jeu de la collaboration est facilité par le fait qu’en théorie, il existe une seule définition du projet que ses membres doivent réaliser ensemble. Pour le comité exécutif, il n’y a pas de définition unique du projet commun, ce qui influe sur la collaboration.
La genèse d’une équipe peut se résumer ainsi : un mandataire définit un projet qu’il confie ensuite à un groupe de personnes – l’équipe – pour le réaliser. Ainsi peut-on dire que le quoi de l’équipe (le projet) précède le qui (les coéquipiers). S’il y a conflit entre les coéquipiers en ce qui concerne la définition du quoi, ils peuvent se tourner vers le mandataire. La présence d’un mandataire et sa légitimité concernant la clarification du projet sont donc des points d’ancrage forts de la collaboration puisqu’elles éliminent une source importante de conflits.
Au sein des comités exécutifs, ces points d’ancrage sont malheureusement absents. Les membres n’ont pas de mandataire qui définit pour eux le projet commun, car la tâche consistant à définir ce projet – qui comprend la mission et la vision de l’entreprise – revient justement au comex, et ce, sous la direction du PDG. C’est à tout le moins le cas dans les sociétés performantes, comme l’explique Jim Collins dans son livre à succès intitulé De la performance à l’excellence : « Ceux qui bâtissent de grandes organisations s’assurent de faire monter les bonnes personnes à bord avant de réfléchir à leur destination. » Donc, contrairement à ce qui se passe dans une équipe, pour un comité exécutif, le qui précède le quoi.
Cette différence a d’énormes impacts sur la collaboration pour trois raisons :
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Un flou autour du quoi. Si les membres du comité exécutif contribuent souvent à définir le projet d’entreprise, il est extrêmement rare qu’ils réussissent à le faire de façon précise. Ceux qui en doutent n’ont qu’à examiner les documents portant sur la planification stratégique de n’importe quelle entreprise. Et il ne faut surtout pas s’attendre à ce qu’ils s’entendent sur la mesure à utiliser pour évaluer le succès du projet d’entreprise. Est-ce le cours de l’action ? La marge bénéficiaire sur un an ? Sur cinq ans ? La croissance des revenus ? Le degré d’engagement des employés ? Une combinaison de ces éléments ? Chacun aura son propre avis, ce qui donnera lieu à des conflits et embrouillera la collaboration entre les membres du comex.
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Le PDG ne peut pas clarifier entièrement le quoi. Lorsque les membres d’un comex ont un désaccord relativement au projet d’entreprise, personne ne détient une légitimité à toute épreuve pour trancher leur litige. En théorie, il y a le PDG, mais en pratique, ils sont peu nombreux à souhaiter imposer leur point de vue et ainsi dépenser leur précieux « capital politique ». De toute façon, un PDG aura beau essayer d’imposer sa vision des choses, sa réponse ne sera jamais assez précise pour empêcher ses dirigeants de l’interpréter à leur façon dans un nouveau contexte et, ainsi, de provoquer de nouveaux conflits.
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Le quoi : une cible mouvante. Ajoutons à cela que la définition du projet d’entreprise n’est jamais véritablement arrêtée, car elle doit évoluer en fonction du contexte concurrentiel. Et c’est justement la responsabilité des membres du comex de la faire évoluer. Tous ne souhaiteront pas le faire au même rythme, et ce décalage constituera un nouvel obstacle à la collaboration.
En dépit de ce qui précède, plusieurs dirigeants ne voient pas que leur définition du projet d’entreprise – qui correspond généralement aux intérêts de leur propre unité – ne pourrait être qu’une interprétation parmi tant d’autres. Cette erreur fondamentale les empêche de partir du bon pied lorsque vient le temps de collaborer avec leurs collègues.
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Tactique : agissez comme des avocats ! La collaboration comporte en général de grands défis, et les membres des comex pourraient mieux gérer les conflits, voire s’en épargner plusieurs, s’ils regardaient les choses d’un autre œil. En adoptant certains réflexes des avocats, les dirigeants arriveront non seulement à avoir plus de succès en collaborant avec leurs pairs, mais aussi, au final, à favoriser le succès de l’entreprise.
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Le prétendu devoir de mettre de côté ses intérêts
Si certains dirigeants acceptent le fait qu’il n’y a pas de définition unique et objective du projet d’entreprise, il faudrait aussi qu’ils cessent de s’attendre à ce que leurs collègues fassent abstraction des intérêts de leur unité. Mais d’autres raisons peuvent aussi expliquer ce choix, et elles ne découlent pas nécessairement du fait que certains de leurs collègues sont de vilains carriéristes, comme l’insinuent ceux qui peinent à obtenir leur appui. Tous les dirigeants mettent difficilement de côté les intérêts de leur unité, car leur PDG exige qu’ils défendent des « causes » et des clients.
Les membres des comex défendent des « causes ». Lorsqu’un dirigeant est embauché, il reçoit souvent un mandat de son PDG. Ce mandat devient en quelque sorte une « cause » pour laquelle il doit se battre. Cela entraîne des problèmes systématiques en matière de collaboration. Des exemples ? Un vice-président (VP) aux ressources humaines (mandat : constituer un réservoir de talents et le développer) qui entre en conflit avec sa collègue à l’exploitation (mandat : livrer des résultats trimestriels) lorsqu’il décide d’offrir une formation à laquelle les gestionnaires de cette dernière devront consacrer de nombreuses et précieuses heures de travail. Ou encore un VP aux ventes (mandat : accroître les revenus) qui entre en conflit avec le VP à la chaîne logistique (mandat : tout normaliser) parce qu’il offre aux clients des services sur mesure. Tous ces VP ne sont pas de mauvais collaborateurs ; ils jouent simplement le rôle que leur a attribué leur PDG.
Les membres des comex représentent des clients. On peut aussi dire qu’un VP a des clients, en l’occurrence ses subalternes. Ceux-ci s’attendent à ce que leur VP « plaide » devant le PDG et le comex pour obtenir des budgets et protéger leurs postes lorsque des compressions s’imposent. Malheur au VP qui faillit à cette tâche ou qui sacrifie les intérêts de son équipe au « bien commun ». Inutile de dire qu’il aura par la suite de la difficulté à s’assurer la loyauté de ses troupes, ce qui nuira à sa performance, chose que lui reprochera son PDG.
Pour en savoir plus
- Collins, J., Good to Great – Why Some Companies Make the Leap… And Others Don’t, New York, Harper Business, 2001, 320 p.
- Cross, R., et Katzenbach, J., « The Right Role for Top Teams », Strategy + Business, vol. 67, été 2012, p. 2-10.
- Scheef, C., Essays on Top Management Teams and Chief Strategy Officers: Behavioral Perspectives, Université de Saint-Gall (Suisse), thèse de doctorat, 2014.
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