Coaching : développer l’être humain pour renforcer le leader
2025-02-27

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2025-03-20
Coaching : développer l’être humain pour renforcer le leader
Stratégie , Ressources humaines , Dossier

Illustration : Sébastien Thibault
Le coaching exécutif s’est professionnalisé et de plus en plus de leaders y ont recours. Cette démarche d’accompagnement vise à développer les gestionnaires sur le plan humain, afin qu’ils deviennent ceux qu’ils rêvent d’être.
Aux prises avec une période difficile sur le plan des relations de travail qui l’affectait humainement, Léa1 s’est naturellement mise à prendre de la distance par rapport à la situation. Elle perdait peu à peu sa motivation comme gestionnaire. Elle ressentait des émotions plutôt négatives et attendait les prochaines vacances pour mettre de l’ordre dans ses idées.
Sa coach l’a amenée à prendre conscience du fait que ses émotions révélaient des besoins qu’elle cherchait à combler. Elle a réalisé que ce qu’elle prenait pour de la démotivation était en fait un repli stratégique, une forme de protection normale devant des éléments inacceptables autour d’elle.
«Cette discussion m’a aidée à convertir l’adversité en plan d’action, raconte-t-elle. Ces échanges, qui te font passer de l’analyse de tes émotions à l’action, comptent parmi les moments magiques du coaching, et te permettent ensuite d’intervenir concrètement dans ton organisation.»
Les clés du succès
Le coaching est une forme d’accompagnement qui vise à créer un espace de réflexion et d’écoute favorisant la prise de conscience, mais surtout le passage à l’action. Le chapitre québécois de la Fédération internationale du coaching (ICF) en recense huit types, dont le coaching exécutif, qui s’adresse aux hauts dirigeants et dirigeantes des organisations.
Stéphane Coulier pratique cette profession depuis plus de dix ans. Il préside aussi ICF Québec depuis 2023. Pour lui, la réussite d’une relation de coaching repose avant tout sur la confiance, laquelle s’appuie sur quatre piliers, dont la crédibilité. «Celle-ci doit aller dans les deux sens, souligne-t-il. Dès la première rencontre, le coach doit prouver sa capacité à comprendre son interlocuteur et à l’aider à avancer, et le coaché doit démontrer son engagement, son ouverture et son enthousiasme envers la démarche.»
La confiance découle aussi de la fiabilité des protagonistes qui s’exprime dans la préparation mutuelle des séances, dans le respect des engagements établis. C’est cela qui permet de consolider la relation de confiance qui s’est nouée au départ.
Une troisième dimension concerne plutôt le coach : il s’agit de la faible auto-orientation. «C’est la capacité du coach à démontrer, par ses actes, son écoute et son engagement, que le projet du client dépasse ses intérêts et ses besoins à lui», résume Stéphane Coulier.
Une relation intime
C’est aussi une base qui permet d’installer le quatrième pilier, l’intimité, tout en préservant la distance nécessaire à une posture de coach. La relation entre le coach et la personne coachée peut durer plusieurs mois, mais l’intimité ne se crée pas automatiquement. Or, celle-ci est nécessaire pour que la démarche de coaching prenne son véritable envol.
Ce pilier est d’autant plus important que, contrairement à la relation avec un consultant ou avec un mentor, celle que l’on établit avec un coach tourne plus souvent autour de l’être et du savoir-être que du savoir-faire. Les conversations peuvent donc devenir émotives.
«On peut pleurer devant et parfois même avec sa coach, admet Léa. L’authenticité est la clé d’un coaching puissant et efficace. Si on n’aborde pas les vrais sujets, la démarche sera peu utile. Les deux parties doivent créer un espace sécuritaire dans lequel elles peuvent s’ouvrir.»
L’un des objectifs du coaching consiste à mieux connaître l’humain derrière le gestionnaire. Ce centrage sur la conscience de soi est transformateur, mais il présente aussi le risque de glisser vers la thérapie, ce qui n’est pas du tout le but recherché.
La coach Marjorie Poitras, présidente-directrice générale de la firme OZHEO et vice-présidente d’ICF Québec, estime que la thérapie est une démarche de guérison souvent axée sur le passé. Orienté vers l’avenir, le coaching est plutôt axé sur l’idée de grandir. On est moins dans le «Qu’est-ce qui fait que je suis comme ça?» et plus dans l’action : « Bon, je suis comme ça; maintenant, je fais quoi?»
«La coach doit demeurer vigilante pour veiller à garder cette posture, ajoute Marjorie Poitras. Bien sûr, il se peut qu’on discute de certains éléments déclencheurs du passé, mais on doit toujours rester dans le coaching.»
Des balises à respecter
Marjorie Poitras a elle-même eu recours à un coach une première fois, après avoir été nommée vice-présidente d’une grande institution financière à l’âge de 35 ans, puis, lorsqu’elle a accédé à un poste de première vice-présidente. Elle admet qu’à l’époque, elle manquait de confiance en ses moyens face à ses nouvelles responsabilités. Le coaching l’a aidée à surmonter cet obstacle.
Elle a tellement aimé l’expérience que, quelques années plus tard, elle est elle-même devenue coach certifiée. «J’ai complété une formation et j’ai obtenu ma certification, car je crois vraiment qu’une coach doit être une professionnelle qui possède des compétences spécifiques et qui respecte un code de déontologie et d’éthique», soutient-elle.
La profession de coach est en effet confrontée à certains dilemmes sur le plan éthique. Dans un contexte où les organisations assument généralement les frais du coaching, le professionnel doit s’assurer de protéger la confidentialité de ses échanges avec son client. La démarche vise à créer de la valeur pour l’organisation, mais le coach se met au service de la personne coachée.
Cette relation tripartite organisation-coach-client est d’ailleurs l’un des facteurs de réussite. «On fait en sorte que les objectifs de l’organisation et de la personne coachée soient en harmonie pour maximiser l’impact de la démarche», souligne Marjorie Poitras.
De manière générale, une démarche de coaching comporte trois rencontres tripartites. La première vise justement à s’entendre sur les objectifs. La deuxième représente l’occasion d’effectuer un bilan de mi-parcours et de voir quels éléments avancent bien ou moins bien. Puis, en fin de parcours, une dernière rencontre sert à dresser un bilan final et à prévoir des manières de consolider les acquis.
Le coach doit en outre veiller à bien gérer la démarcation entre le développement des affaires de son entreprise et les intérêts de ses clients. Car le coaching, c’est aussi une activité lucrative. En 2022, le revenu annuel qu’en tiraient les coachs nord-américains restait cependant, en moyenne, sous la barre des 70 000 dollars.
Marjorie Poitras se méfie notamment de la multiplicité des contrats. «Lorsqu’une personne souhaite renouveler la démarche plusieurs fois, il peut être tentant d’accepter, mais on doit s’assurer que cet individu n’est pas en train de créer une dépendance, prévient-elle. L’objectif, c’est de l’amener à développer son autonomie.»
La coach reste par ailleurs vigilante quant au nombre de mandats qu’elle accepte d’une même organisation, pour éviter de se retrouver en situation de conflit d’intérêts. En effet, ses échanges lui donneraient accès à une grande quantité d’informations sur chacun des individus concernés, ce qui pourrait poser problème. «Je fais le pari que de renoncer à des contrats pour préserver l’éthique de ma pratique renforcera à moyen et à long terme ma crédibilité et ma réputation», affirme-t-elle.
Rester fidèle à ses valeurs
Le recours au coaching suppose que l’on souhaite apprendre à mieux se connaître pour devenir un gestionnaire plus efficace et pour se montrer plus à l’aise face aux nombreux mandats et défis que l’on doit relever.
«Au début, je croyais que le coach devait m’aider à trouver des solutions, mais son rôle était plutôt de m’amener à me poser les bonnes questions, notamment par rapport aux changements que je souhaitais apporter dans l’organisation que je dirige, afin que je sois mieux préparée et plus convaincante», explique Nadia2.
Cette approche a eu un impact sur ses relations avec le personnel de l’entreprise, entre autres dans le cas d’employés plus difficiles à gérer. Elle a appris à résister à la tentation de vouloir les changer et a plutôt réfléchi aux meilleures manières de superviser le travail de ces individus en tenant compte de leur caractère. Le coaching l’amène à se concentrer sur le problème et non sur la personne.
«Le coach, c’est un accélérateur, indique-t-elle. Il t’aide à trouver des outils, à cibler les bonnes questions et à atteindre tes objectifs plus rapidement. Il devient un partenaire professionnel qui souhaite ta réussite et qui te fournit les moyens et la confiance nécessaires pour y arriver.»
Stéphane Coulier rappelle que la «solitude du leader» n’est pas une illusion. Les hauts dirigeants comptent souvent un nombre très restreint de personnes auxquelles ils peuvent réellement se confier dans leur entreprise. Les discussions avec des amis ou des membres de la famille ne sont pas non plus toujours très efficaces pour avancer.
«Le coach devient donc un allié important, affirme-t-il. Il est un élément déclencheur et un partenaire de confiance, mais la transformation reste dans les mains de la personne coachée. La démarche tourne autour de ses objectifs et de ses besoins, et c’est elle qui génère les résultats.»
Le coaching peut en outre favoriser une meilleure adéquation entre ce que la personne fait, ce qu’elle pense qu’elle devrait faire, et ses valeurs. Stéphane Coulier note depuis quelques années davantage de remises en question des façons de faire des organisations et plus de questionnements personnels sur le sens du travail des gestionnaires. «Les gens se demandent pourquoi et après quoi ils courent, et ce qu’ils veulent vraiment, précise-t-il. Ils s’interrogent sur la cohérence entre leurs valeurs et leur fonction.»
Le métier de coach évolue lui aussi. Depuis trente ans, il n’a cessé de se professionnaliser. Dans un récent sondage d’ICF, plus de huit coachs sur dix affirmaient être membres d’une ou de plusieurs organisations de coaching. Une proportion semblable indiquait que leurs clients recherchaient des coachs certifiés ou accrédités.
Le coaching tend à se professionnaliser, notamment par le développement de programmes universitaires spécialisés et la multiplication d’articles scientifiques sur le sujet. «Cependant, ses ancrages théoriques et ses fondements scientifiques restent émergents et souvent fragmentés, remarque Stéphane Coulier. Le coaching demeure donc en quête de légitimité scientifique et se situe encore à la croisée des chemins entre pratique professionnelle, savoir empirique et ancrages théoriques.»
Devenir un meilleur gestionnaire
Marjorie Poitras distingue plusieurs effets du coaching sur les gestionnaires. Cette démarche permet un ancrage plus solide, puisqu’ils comprennent mieux qui ils sont comme leaders. Les personnes coachées ont une meilleure conscience d’elles-mêmes et de leur impact sur les autres. Le coaching mène à l’action. «Bien sûr, nous sommes dans l’introspection, mais nous visons l’action, une manière plus efficace de faire les choses», note la coach.
Selon elle, une meilleure connaissance de soi aide aussi les leaders à garder une posture dynamique, c’est-à-dire à agir plutôt qu’à réagir. Ils deviennent plus vigilants quant à leurs forces et à leurs faiblesses, à leurs préjugés et aux éléments qui peuvent déclencher chez eux des réactions négatives qui risquent d’affecter leur travail.
Elle estime aussi que cette démarche permet d’ouvrir dans certains cas de nouvelles perspectives qui génèrent plus de créativité et de choix. «Cela amène les coachés à prendre des décisions plus éclairées, mais surtout, des décisions qui resteront bonnes et pertinentes à moyen et long terme», ajoute Marjorie Poitras.
Pour Léa, l’un des effets les plus marquants du coaching consiste à prendre pleinement conscience qu’un gestionnaire est avant tout un être humain qui tente de remplir un mandat. «C’est facile d’être happé par une succession de cas urgents, de s’oublier et de se confondre avec la tâche, ajoute-t-elle. Le coaching aide à apprendre comment planifier des périodes de recul et de réflexion.»
Cette pratique, Léa et Nadia la recommandent chaudement à tous les gestionnaires. «Pour un leader, le temps est précieux, rappelle cette dernière. Il a toujours des objectifs à atteindre et des mandats à exécuter. Le coaching réduit la perte de temps, augmente l’efficacité et contribue à mieux cibler les priorités. Il aide surtout à devenir un gestionnaire assez solide pour bien faire son travail dans un monde qui évolue rapidement.»
Article publié dans l’édition Printemps 2025 de Gestion
Notes
1 - Pour préserver l’anonymat de la personne, nous avons utilisé un prénom fictif.
2 - Idem.
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