Article publié dans l'édition printemps 2017 de Gestion

Un jour ou l’autre, tout gestionnaire doit faire face à un revers plus ou moins sérieux. Mais c’est la capacité d’accepter les échecs et de rebondir qui permet de prendre des risques et donc, possiblement, de se surpasser. Dès lors, comment gérer cette vulnérabilité à l’échec et ainsi augmenter ses chances de succès ?

En gestion comme dans d’autres activités humaines, succès et échec sont des notions relatives, non absolues. Les résultats (R) d’une activité ne peuvent être évalués qu’en fonction des attentes (A) des gens qui auront à vivre avec ces résultats. Le degré de succès est inversement proportionnel à l’écart qui existe entre A et R. Il est intéressant de noter que ces deux variables de l’équation du succès se gèrent. Et c’est pourquoi le gestionnaire se doit de gérer le degré ou la nature des attentes dans le but de les rendre plus compatibles avec ce qu’il est possible de réaliser.


LIRE AUSSI: l'exploitation intelligente des données: une stratégie payante


Certes, la chance joue un rôle plus ou moins important : il existe donc souvent une probabilité non nulle d’échec qui donne naissance au risque. Évidemment, les échecs peuvent aussi être attribués à une gestion déficiente, et tous les risques ne sont pas bons à prendre.

Au cours des dernières décennies, le monde financier a connu le développement et l’implantation de techniques d’analyse stochastiques sophistiquées et complexes, basées sur l’expérience passée et visant à définir et à quantifier les risques. Toutefois, pour plusieurs décisions de gestion, l’évaluation des risques ne se prête pas à ce type d’analyse quantitative et repose plutôt sur une appréciation qualitative de la situation, guidée par trois grands principes :

  • Le risque qu’un personne ou une entreprise peut rationnellement prendre est déterminé par sa capacité à encaisser un échec potentiel.

  • Le gain potentiel est suffisamment élevé pour justifier le risque d’une perte découlant d’un échec éventuel.

  • Enfin, on doit tenir compte de la probabilité du succès. Pour un gain et une perte potentiels donnés, plus cette probabilité est grande, plus le risque est attrayant et vaut la peine d’être pris.

Les personnes et les entreprises n’ont pas toutes les mêmes ressources ni les mêmes attitudes face au risque. Or, la prise de risques étant souvent un prélude nécessaire à l’obtention de résultats supérieurs et désirables, il est important d’élaborer et de choisir des stratégies susceptibles d’augmenter la capacité à prendre des risques et d’accroître sa propension à oser. L’efficacité de ces stratégies dépendra, d’une part, de l’habileté à diminuer le degré de vulnérabilité à l’insuccès et, d’autre part, à rehausser à terme la probabilité de succès. En résumé voici cinq de ces stratégies :

  1.   Le facteur temps

    Le degré de dangerosité des conséquences d’un échec dépend beaucoup de leur pérennité. Par exemple, d’un point de vue individuel – toutes choses étant égales par ailleurs –, plus on est jeune, mieux on peut subir une perte financière, pour la simple raison qu’on a le temps de « se refaire ». En vieillissant, la préservation des acquis acquiert une importance accrue, ce qui augmente l’aversion au risque.

  2.   Le « plan B »

    L’échec est souvent porteur de possibilités. Une porte se ferme, une autre s’ouvre. Avoir la capacité de déterminer à l’avance les solutions de rechange qui pourraient devenir accessibles si l’échec survenait diminue le sentiment de vulnérabilité à celui-ci.

  3.   La gestion des attentes à la baisse

    Ceci permet d’augmenter la propension au risque. En effet, plus les espérances sont basses, plus il est facile d’encaisser l’échec. Sur le plan individuel, il est souhaitable de prendre un risque tout en gardant le plus possible ses attentes inchangées et en ayant une stratégie qui permette de revenir à la position initiale. Si la situation actuelle est satisfaisante, il devient facile de prendre un risque si le pire qui puisse arriver est de revenir à cette situation.

  4.   Le contrôle de l’ordre des priorités

    Lors de la réalisation d’un projet commun, la réalisation de ses propres attentes peut entrer en conflit avec celles d’autres membres d’un groupe. La personne qui a le pouvoir de déterminer quelles attentes d’un effort collectif auront la priorité a un plus grand contrôle sur sa destinée ; elle maximise ses chances de succès en privilégiant les options compatibles avec sa réalité et ses objectifs propres.

  5.   La stratégie des petits pas

    En divisant la réalisation d’un grand objectif en une séquence de sous-tâches, on se donne la possibilité de corriger le tir au fur et à mesure que le projet prend forme. Pour avoir recours à cette stratégie, il est essentiel qu’un échec à une étape ne soit pas mortel. Il faut avoir d’autres options en réserve, exploiter les occasions suscitées par l’échec et maintenir une flexibilité d’action qui permette de poursuivre l’objectif en adoptant une nouvelle approche.

Ces cinq stratégies diminuent la vulnérabilité à l’échec et peuvent permettre au gestionnaire de formuler des attentes ambitieuses et des rêves audacieux. Son parcours sera certes constitué d’une suite de zigzags représentant les ajustements qu’il devra apporter à son itinéraire, mais il demeurera fidèle à sa vision, qui restera sa destination première.