Article publié dans l'édition printemps 2016 de Gestion

Terme emprunté aux arts martiaux, le kata est un mode de pensée qui privilégie la transmission du savoir au sein d’une organisation grâce à une pratique susceptible d’en accroître la compétitivité. Comment vous en inspirer au sein de votre entreprise ?

1 - Comprenez votre défi, saisissez la condition actuelle et établissez la condition cible à atteindre

Il faut d’abord savoir où on s’en va, c’est-à-dire bien connaître le défi qui correspond à la vision organisationnelle, pour se fixer ensuite un objectif à plus court terme : la condition cible. Cette condition cible n’est pas un simple résultat à atteindre comme peut l’être un objectif financier, par exemple. Elle décrit plutôt un comportement ou un mode de fonctionnement, décliné en plusieurs caractéristiques, à adopter en vue d’atteindre un résultat futur et non en réaction à un problème constaté.


LIRE AUSSI: Les neufs piliers du pouvoir et de l'influence


D’où vient le concept de gestion Toyota Kata ?

Intrigué par les succès du géant japonais de l’automobile Toyota alors que les autres constructeurs automobiles étaient en difficulté, l’ingénieur et chercheur Mike Rother a décidé d’étudier le système de production Toyota (TPS). Il a ainsi observé que les gestionnaires de Toyota suivaient et enseignaient de façon naturelle un modèle scientifique de pensée et d’action qui vise à atteindre les objectifs et à résoudre les problèmes au sein de leurs équipes. Il a baptisé ce concept Toyota Kata dans son livre du même nom, publié en 2010. Mike Rother a relevé deux routines de résolution de problèmes de l’entreprise : le kata d’amélioration et le kata de coaching. Pour parvenir à une culture d’amélioration continue par la pratique du kata, la notion de routine est centrale.

2 - Attaquez-vous aux obstacles plutôt qu’au gaspillage tous azimuts

Le kata d’amélioration propose d’effectuer des expériences en ciblant un obstacle à la fois plutôt que de déclencher une chasse aux sources de gaspillage tous azimuts. En d’autres mots, il s’agit d’un effort d’amélioration ciblé. Par exemple, dans une unité de soins gériatriques, où le défi consiste à éliminer les chutes de patients, les obstacles pourraient être les suivants : le matériel roulant qui encombre les corridors ou des sonnettes d’appel difficiles d’accès pour certains patients. Bref, si le Lean est souvent malencontreusement défini comme un système permettant de « faire plus avec moins » et que son action est centrée sur l’élimination des gaspillages, le kata estime quant à lui que l’élimination des gaspillages n’est pas une fin en soi et qu’elle est plutôt la résultante d’expériences menant à la condition cible (ou au défi).

3 - Trouvez vos joueurs

Pour démarrer, il vous faut minimalement trois personnes (apprenant, coach et second coach), un processus à améliorer (il doit y avoir une part d’inconnu dans l’aventure) et un défi (relié à une vision). On recommande de choisir un processus qui permet idéalement de pratiquer le kata tous les jours. Il faut généralement réaliser au moins vingt-cinq cycles d’expérience et arriver à trois conditions cibles consécutives pour commencer à s’imprégner de la routine.

Deux pièges à éviter
  1. Ne croyez pas qu’il soit possible de modifier le comportement de tout un chacun sans modèle structuré.

  2. N’oubliez surtout pas d’adapter les questions du kata de coaching au fil de l’exercice selon les apprentissages réalisés

kata d'amelioration

4 - Posez-vous les questions fondamentales

Outre le défi et la condition cible, vous devez déterminer la condition actuelle du processus. Vos expériences précédentes doivent vous nourrir.

Quels sont vos obstacles ?

Quelle a été la dernière expérience ?

À quels résultats vous attendiez-vous ?

Que s’est-il vraiment produit ?

Qu’avez-vous appris de cette expérience ?

Fixez vos objectifs en vue de la prochaine expérience (à quel obstacle vous attaquez-vous et quels résultats attendez-vous ?).

L’expérience est la plus grande source de connaissances et d’innovation et, au moins en partie, le fruit de l’accumulation d’échecs.


LIRE AUSSI: Intégrer l'éthique à la prise de décision: une question de confiance


5 - Faites intervenir la science

C’est ici que la science intervient. Vous voulez changer une façon de faire pour rendre l’entreprise plus souple ? Alors une fois que vous avez étudié la situation de manière scientifique et empirique, passez à l’action. Remplacez les habitudes de travail inopérantes par de nouvelles routines basées sur la science. Le kata mise sur la neuroplasticité du cerveau humain, c’est-à-dire sa capacité à créer de nouvelles connexions neurologiques au fil du temps et, ainsi, à se défaire de mauvaises habitudes pour en adopter de nouvelles, par exemple. Le kata nécessite l’encadrement, par un coach, de la réflexion de l’apprenant quant à la résolution de problèmes. Au fil du temps, les habitudes changeront et les routines basées sur la science feront progresser l’entreprise pour qu’elle devienne une organisation apprenante. Alors, qu’attendez-vous pour plonger dans l’aventure ?

la vision avant tout
*Article écrit en collaboration avec Francis Halin, journaliste

Pour en savoir plus

  • Sylvain Landry et Martin Beaulieu, Lean, kata et système de gestion au quotidien, Éditions JFD, 2016, 257 pages.
  • Séminaire de formation de l’École des dirigeants de HEC Montréal, « Le Toyota Kata : améliorez la performance de votre organisation au quotidien par la maîtrise des routines d’amélioration et de coaching », les 18 et 19 avril 2016.