Comment améliorer la fourniture des services de santé publique

Quelle proposition pourrait servir à résumer la dynamique des services de santé? À mon avis, c’'est l'’expression anglaise He who pays the piper calls the tune, souvent traduite par celui qui paie les violons choisit la musique ou, d’'une façon plus générale, celui qui paie a bien le droit de choisir. Comme le secteur public assume 70 % des dépenses totales des services de santé, consacrées principalement aux services hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques, il est de mise d'’insister sur le caractère politique de ce secteur.

Décentralisation ou déconcentration

Il existe une différence essentielle entre la décentralisation et la déconcentration dans le secteur public. Les unités sont décentralisées lorsqu’'elles conservent le pouvoir de prendre des décisions autonomes et la responsabilité de leur financement. Le seul réseau d'’institutions qui méritent d’être qualifiées de décentralisées est celui des corporations municipales. La très grande majorité de leurs revenus provient de sources autonomes.

Ce réseau implique une diffusion du pouvoir politique avec une responsabilité sur la détermination de la quantité et de la qualité des services et sur leur financement. Il perd toutefois une partie appréciable de son autonomie par la présence de nombreuses directives du gouvernement provincial comme c’'est le cas en matière d’'urbanisme, d’'environnement et de sécurité.

La déconcentration réfère à une diffusion de la gestion sur le territoire, ce qui est parfois qualifié de décentralisation administrative. Les unités déconcentrées sont en très grande partie contrôlées et financées par l'’autorité centrale, d’'où leur manque d'’autonomie et la proposition He who pays the piper calls the tune. Les réseaux d'’institutions publiques en santé et en éducation sont des exemples de déconcentration du secteur public.

La déconcentration soulève les problèmes reliés à une relation principal-agent, les institutions étant l’'agent du principal, le ministère sectoriel responsable. Par exemple, la manchette sur un incident malheureux dans un hôpital sera probablement discutée le même jour à l’'Assemblée nationale. La relation d'’agence n'’est pas présente dans la décentralisation puisqu'’il n'’y a pas d'’agent ou de délégation.

Modèles pour diminuer les problèmes d’agence

Il est plus facile de déceler un problème d’'agence ou de relation d’'agent-principal que de trouver la façon d’'en diminuer l'’importance. Julian Le Grand réfère à quatre modèles pour améliorer la fourniture des services publics ou la déconcentration. Ce sont la confiance, l'’autorité, la prise de parole et la concurrence.

La confiance : Les professionnels et les gestionnaires œoeuvrant dans les services publics sont ici jugés dignes de confiance pour fournir un service de qualité recherché par la clientèle. Ils seraient très peu motivés par leurs propres intérêts. C’est ainsi qu'’au moment de l’'entrée en vigueur de l’'assurance publique des soins médicaux, les médecins conservèrent une complète autonomie et un paiement à l’'acte malgré la présence d’un payeur unique.

L'’autorité : Si le premier modèle de fourniture des services publics manifestait la confiance du principal envers les agents producteurs, le second modèle, l’'approche du command-and-control, s'’appuie sur la méfiance du principal. Ce dernier montre son autorité en dictant aux agents des normes de qualité ou des objectifs à atteindre.

C’'est la direction que prenait récemment la législation concernant les services des médecins en fixant des contraintes de pratique. Elle est démoralisante pour des personnes hautement qualifiées désirant conserver une autonomie dans leurs décisions. Cette recherche de l’'autonomie est bien présente chez le corps médical d'’un hôpital et implique ce qu'’on qualifie de bureaucratie professionnelle.

La prise de parole : Les utilisateurs de services peuvent communiquer leur mécontentement à différentes instances. Les commissions Castonguay et Rochon sur le secteur de la santé voyaient la participation comme un instrument important pour l’'amélioration du système de santé. Ce n'’est pas le cas.

Si la mobilité découle d'’une décision individuelle, la contestation verbale demande une action collective pour être productive. Le produit de l’'action collective s'’apparente à un bien public avec tous les problèmes d'’incitation à la participation et de déséquilibre de consommation que cette sorte de bien comporte. La contestation verbale comporte des coûts qui en limitent l'’efficacité comme méthode d’'expression des préférences des clientèles avec la présence d'’une majorité rationnellement silencieuse et de minorités bien organisées partageant des intérêts bien précis.

La concurrence : Ici, les utilisateurs choisissent le service qu’ils attendent parmi ceux offerts par des fournisseurs en situation de concurrence. L'’expression des préférences s'’exprime par la défection (ou le vote par les jambes) au lieu de la prise de parole. Les récentes fusions majeures des organisations de santé et de services sociaux au Québec ne vont sûrement pas dans cette direction.

Conclusion

Qu’'est-il possible de conclure sur l'’évolution des systèmes déconcentrés des soins de santé de différents pays? Je résumerais l’'évolution et la contradiction en une simple expression : la recherche d'’une autonomie de décision dans des systèmes centralisés. Cette contradiction ne peut que provoquer des effets de balancier et d'’instabilité. Au Québec, l'’approche du command-and-control n'’a pas encore terminé son cycle.