Le leadership a fait peau neuve ces dernières années et désormais, les styles de management s’orientent davantage vers l’authenticité et la transparence. Récemment, le leadership durable a fait son apparition. De quoi s’agit-il?

Leader-coach, leader servant, transformationnel, collaboratif, etc. On le voit : la typologie du leadership n’a cessé d’évoluer au fil du temps, des époques et des cultures. En dépit de ces changements de dénomination, une chose est sûre : aujourd’hui, on recherche des individus qui ont des valeurs morales et représentent un idéal auquel on puisse adhérer ou s’identifier, sur le plan éthique ou environnemental par exemple. D’ailleurs, avec la forte avancée des critères ESG (environnement, société et gouvernance), la notion de durabilité s’invite désormais à la table des leaders.

Une vision d’ensemble et à long terme

Selon Luciano Barin Cruz, professeur titulaire au Département de management à HEC Montréal et directeur du pôle IDEOS, le leadership durable, c’est faire en sorte que l’organisation adopte une démarche en matière de transition socioécologique. «L’engagement en ce sens doit être ferme et cette vision doit aussi être placée au cœur de la stratégie d’entreprise», indique-t-il.

À ce chapitre, l’exemplarité est importante, tant au niveau de l’organisation que des gestionnaires et des leaders. «Cela nécessite une grande transparence, être capable d’admettre que l’on n’est pas parfait et qu’on peut faire mieux. Par exemple, en reconnaissant que l’organisation émet encore des gaz à effet de serre, qu’il y aura sûrement des décisions difficiles à prendre, mais que l’on travaille à les réduire», explique le professeur.

Le jeu en vaut la chandelle, soutient-il. Car dans un monde où les gens – et les employés – sont en quête de sens, un gestionnaire qui adopte une approche en leadership durable donne une cause à laquelle se raccrocher et s’identifier.

Pour sa part, Cloé Caron, présidente et coach exécutive de la firme o2 Coaching, préfère utiliser les termes de leadership écologique plutôt que leadership durable. «Notre rôle en tant que coach est d’amener le gestionnaire à prendre de la hauteur afin qu’il ait une vision d’ensemble et à long terme des différents enjeux. Il doit aussi être en mesure de voir l’impact positif des actes posés, pas seulement en termes de profitabilité ou de performance, mais aussi pour les employés et plus largement pour la population et la planète», précise-t-elle

Concrètement, ce type de gouvernance se traduira par l’intégration de la responsabilité sociale et environnementale dans toutes les stratégies et par une transformation profonde de la culture organisationnelle. Ce faisant, la raison d’être de l’entreprise reposera donc désormais sur la valeur qu’elle crée pour les différentes parties prenantes, et non uniquement sur sa profitabilité.

Une main-d’œuvre durable

Quant à Caroline Galipeau, doctorante en administration des affaires - comportement organisationnel à l’ESG UQAM, elle estime qu’il existe différentes tendances en matière de leadership durable, comme la gestion verte des ressources humaines (Green Human Resources Management). Elle penche toutefois pour une approche légèrement différente qui considère la main-d’œuvre comme une ressource épuisable, au même titre que les ressources naturelles.

L'employé devrait être considéré dans son ensemble, dans le sens où il ne fait pas seulement partie d’une entreprise, mais aussi d’une famille, d’une communauté, de la société dans son ensemble. «Pour que l’individu puisse donner le meilleur de lui-même dans le cadre de son travail et à l’extérieur, à la fois aujourd’hui et dans une perspective à plus long terme, il faut viser son bien-être global», mentionne-t-elle.

Caroline Galipeau souligne que dans cette perspective, la culture d’entreprise est primordiale, car c’est d’elle que tout découle. «Par exemple, on peut dire à nos employés que l’on souhaite qu’ils soient reposés et que l’on n’impose pas de plafond pour les congés, mais si on valorise et qu’on récompense ceux qui font des heures supplémentaires, on n’envoie pas le bon message. La culture et les actions se doivent d’être arrimées, traduire une adhésion et une volonté profondes», fait-elle observer.

Elle note également que lorsque des initiatives en durabilité environnementale sont mises en place, il est souvent question de coûts. «Or, au-delà de la vision ‘’dépenses en ressources humaines’’, les approches en main-d'œuvre durable, par leur contribution au bien-être, à la motivation, à l'engagement et au développement des employés, génèrent une productivité accrue, davantage de collaboration et de partage d'information. À cela s’ajoutent une diminution du taux d’absentéisme et un meilleur taux de rétention. Au bout du compte, cela se traduit en profitabilité, en durabilité organisationnelle, ainsi qu'en compétitivité sur le marché. Il n'y a donc pas que des arguments sociaux en faveur de la gestion durable des ressources humaines, mais aussi des arguments économiques puissants», constate Caroline Galipeau.