Intelligence artificielle, nouvelles technologies, nourriture imprimée en 3D… Sans nul doute, C2 Montréal 2018 a réservé une place de choix aux dernières tendances technologiques. Mais pas seulement. La conférence qui agite les milieux créatifs et de l’innovation aura surtout eu le mérite de replacer l’humain au cœur de ces récentes avancées.

Le monde tel que nous le connaissons est à la croisée des chemins. Ce n’est pas la première révolution technologique à laquelle nous assistons. Selon Jean-François Gagné cofondateur et président d’Element AI, c’est pourtant la première fois que, nous, en tant qu’humains nous faisons « challenger » par cette technologie.

Qui sommes-nous par rapport à la machine ? Comment nous distinguons-nous face à cette nouvelle forme d’intelligence qui est en train d’émaner ? Ces avancées suscitent – légitimement – inquiétudes et interrogations. Encore plus si on prend le temps de regarder en arrière. Le progrès technologique a-t-il toujours été synonyme de progrès social ? Pas si sûr. Comme l’a rappelé, à juste titre, Omar Bin Sultan Al Olama, ministre d’État de l’Intelligence artificielle aux Émirats arabes unis, les avancées d’hier portaient en eux les germes de nos problèmes actuels, en matière de réchauffement climatique notamment.

Alors quoi ? Faudrait-il arrêter les recherches par peur des conséquences que celles-ci vont entraîner ? Impossible selon chacun des chercheurs, chefs d’entreprise et membres du gouvernement interrogés, et là n’est pas la question. Selon eux, il faut démystifier d’une part ces nouvelles avancées technologiques, puis saisir les occasions que celles-ci représentent, sans pour autant se voiler la face sur les défis qui nous attendent.

Inclusion et intelligence artificielle

Les recherches en intelligence artificielle ont fait voler en éclats le mythe du chercheur solitaire enfermé dans son laboratoire et qui s’écrierait un jour « Eurêka ! ». Le domaine de la recherche et du développement est aujourd’hui beaucoup plus ouvert et transparent qu’il ne l’a jamais été. « Ça prend un village de scientifiques pour innover en intelligence artificielle » a insisté Foteini Agrafioti, scientifique en chef chez RBC et directrice de Borealis AI.

À sa voix s’est ajoutée celle du ministre émirien Omar Bin Sultan Al Olama, qui plaide pour une « technologie universelle » qui soit capable d’aider l’humanité à régler les problèmes qui la secouent. Il a d’ailleurs profité de son allocution pour rappeler que d’ici les 40 prochaines années, il y aurait plus de processeurs en circulation qu’il n’y a d’étoiles dans notre galaxie. Alors, plutôt que de freiner des quatre fers, « assurons-nous que cette technologie nous soit bénéfique » a-t-il affirmé.

On peut douter actuellement qu’est-elle bénéfique, cette technologie, quand, à cause d’une phrase mal traduite par l’algorithme Facebook, un Palestinien se fait arrêter en Israël. Timnit Gebru, chercheure postdoctorale au sein du groupe Fairness, Accountability, Transparency, and Ethics in AI (FATE) chez Microsoft a rapporté cette histoire : les autorités avaient cru que l’homme avait dit « attaquez-les » alors qu’il disait simplement « bonjour » ? La nouvelle permet de mettre en lumière ses travaux qui portent sur les biais algorithmiques.

En étudiant ces biais, Timnit Gebru a démontré que l’IA pouvait affecter négativement les gens, à cause d’erreurs de catégorisations. Elle milite activement pour que plus de justice, sous toutes ces formes, soit placée au sein de ces fameux algorithmes.

Entre perturbations et possibilités

Si l’intelligence artificielle représente une manne économique certaine, elle va également entraîner, dans son sillage, de profonds bouleversements. Qu’en est-il de l’avenir de certains emplois ? Comment aider ces personnes qui perdront leur travail ?

Navdeep Singh Bains, ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, a bien conscience des craintes ainsi soulevées. « Mais les gens ont surtout peur pour le futur de leurs enfants » a-t-il affirmé, avant d’ajouter « nous devons construire la confiance autour de l’intelligence artificielle ».

Sean Mullin, directeur de la firme Brookfield Institute for Innovation + Entrepreneurship a abondé dans son sens, en rappelant quelques bénéfices qui pourront être tirés de l’intelligence artificielle. « Elle va permettre d’automatiser certaines tâches rébarbatives qui grugent le temps dans des secteurs essentiels. Prenez la santé par exemple. On sait que plus il y a d’interactions humaines entre les personnels soignants et leurs patients, mieux c’est. Mais aujourd’hui, les tâches administratives rognent sur ce temps de qualité. L’IA est là pour simplifier ces processus ».


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Le ministre Navdeep Singh Bains a conclu ce cycle de conférences en affirmant le leadership que pouvait prendre le Canada dans le domaine. Il a glissé cette phrase : « au Canada, nous ne construisons pas des murs, nous ouvrons nos portes », faisant ainsi référence à la politique d’attraction des talents et aux mesures migratoires mises en place pour les attirer.