C'est le jeudi 23 juin prochain (2016) que les quelque 64 millions d'habitants du Royaume-Uni sauront s'ils font toujours partie de cet immense ensemble économique et politique qu'est l'Union européenne. 

Les sujets de Sa Majesté se rendront en effet aux urnes lors de cette journée cruciale afin de confirmer ou d'infirmer ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le « brexit », contraction des termes Britain et exit. Il faut bien le dire, la relation entre les Britanniques et l'Union européenne en est une d'amour-haine et donc, par nature, compliquée et complexe! Entré dans l'Union européenne en 1971, voilà donc 45 ans, le Royaume-Uni, fort de son caractère insulaire, a toujours tâté de l'Europe du bout du pied, comme si ses habitants avaient une certaine réticence à pleinement assumer leur appartenance à ce qui constitue dans les faits le second bloc économique en importance sur la planète.


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Un exemple? Alors que 19 des 28 pays de l'Union européenne transigent désormais en euros, le Royaume-Uni, à l'instar de neuf autres pays, tient farouchement à conserver sa monnaie nationale, la livre sterling. Quoi qu'il en soi, l'actuel premier ministre britannique David Cameron l'avait promis lors de la campagne électorale qui devait mener à sa réélection en mai 2015 : il y aurait un référendum sur la place du Royaume-Uni dans l'Europe. Et qui dit « référendum » dit évidemment « polarisation », tant au chapitre des positions qu'au chapitre des débats autour de cette question. Difficile en effet d'établir des certitudes quant aux conséquences appréhendées du choix que feront les Britanniques ce jeudi. D'un côté, les tenants du statu quo, dont le premier ministre Cameron est du nombre, sont regroupés au sein du comité Britain stronger in Europe. Ces derniers font valoir que les avantages quant à l'appartenance du pays à l'ensemble européen surpassent largement les inconvénients :

  • Un brexit confronterait le Royaume-Uni aux incontournables barrières tarifaires européennes, un pensez-y-bien dans la mesure où l'Europe est la destination de la moitié des exportations britanniques;
  • Le membership européen permet l'emploi de trois millions de Britanniques, sur une population active de 33 millions de personnes, et contribue à l'activité économique de 200 000 entreprises anglaises;
  • L'appartenance à l'Europe est un investissement rentable pour les Britanniques : chaque livre sterling versée à Bruxelles, siège de l'Union européenne, en rapporte dix au pays;
  • Le Royaume-Uni reçoit quotidiennement 66 millions de livres (124 millions de dollars canadiens) en investissements européens. Seront-ils toujours au rendez-vous, advenant un brexit ?;
  • La taille gigantesque du marché européen crée des économies d'échelle qui se traduisent par des prix plus bas pour les ménages anglais.

La réplique est donnée par le comité Vote Leave qui fait valoir que :

  • Les 350 millions de livres sterling versés hebdomadairement à l'Union européenne pourraient être octroyés aux hôpitaux et aux écoles du pays, à la création d'emplois et à la recherche scientifique;
  • Le Royaume-Uni redeviendrait seul maître de sa politique commerciale extérieure, lui permettant ainsi de signer les ententes qu'il souhaite;
  • Le pays regagnerait sa pleine souveraineté sur des domaines partiellement légiférés par Bruxelles, notamment au chapitre de l'emploi, de la santé ou de l'éducation;
  • Dans un contexte de crise migratoire, un sujet excessivement sensible à l'heure actuelle sur le Vieux Continent, une sortie de l'Europe permettrait au Royaume-Uni de déterminer ses propres politiques d'immigration et d'admettre en ses frontières ceux et celles qu'il veut bien choisir.

En somme, et on le constate d'après les thèmes évoqués par les deux camps, le choix s'établit essentiellement entre le maintien d'un partenariat économiquement bénéfique avec l'Europe ou un accès à une plus grande indépendance et à une meilleure mainmise sur des leviers essentiels au développement socio-économique de la nation. Reste à savoir de quel côté de la balance les Britanniques pencheront, car les plateaux de cette balance, comme le signale le site Internet du quotidien britannique Daily Mail (lire l'article « A divided nation with two days to go »), sont à peu près en équilibre, à deux jours du vote. Quelques tendances révélées par les derniers coups de sonde, toutefois : Londres et l'Écosse seraient en faveur du maintien, tandis que le pays de Galles, la région du Nord et celle des Midlands opteraient davantage pour le brexit. Fracture géographique, mais fracture générationnelle aussi? Les jeunes de 18 à 24 ans voteraient massivement pour l'Europe, alors que leurs aînés, ceux âgés de 50 ans et plus, se rangeraient davantage dans le camp de la sortie de l'Europe. Les paris sont ouverts quant à l'identité du camp vainqueur! Réponse, jeudi, tard dans la soirée!