Il arrive que des conflits surviennent au sein d’une équipe, un phénomène tout à fait normal qui doit cependant être géré avec diligence. Cela peut même constituer une excellente occasion d’améliorer l’efficacité de la troupe. Aperçu des saines pratiques en ce qui a trait à la gestion des différends.

Si les conflits sont inévitables, ils sont aussi le signal que quelque chose ne tourne pas rond et qu’il est nécessaire d’avoir certaines conversations. Or, superviser un projet est bien différent de voir aux processus inhérents à une équipe. «Cela équivaut à gérer un système social, il faut avoir une pensée systémique et considérer les choses comme un tout», indique Estelle M. Morin, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations.

Elle souligne que cet aspect constitue souvent un angle mort pour les gestionnaires. «C’est la compétence la moins maîtrisée, car elle nécessite de devoir gérer des émotions négatives, d’avoir le courage de mettre certains sujets sur la table et de faciliter la communication entre des personnes aux opinions divergentes», explique Mme Morin, qui ajoute que bien souvent, on préfère se cantonner à ce qu’on appelle la culture du champignon. «Dans la chaleur, la noirceur et l’humidité, ils grossissent! C’est la même chose pour les conflits», illustre-t-elle. C’est pourquoi elle préconise d’intervenir dès que certains symptômes apparaissent, comme un climat de tension, des silences lourds, des attitudes d’autocensure et d’impuissance chez les employés, par exemple.

Série L'équipe idéale

Des buts et des méthodes

Un avis que partage Jean Poitras, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal. «L’erreur fréquente des gestionnaires est de penser que ça va passer tout seul, ou encore de dire aux gens de mettre de l’eau dans leur vin. Bien souvent, le conflit est le symptôme d’un problème lié à l’organisation du travail qui nécessite une intervention», mentionne-t-il.

Le professeur précise qu’en général, le conflit s’articule autour de deux grands axes : les processus et les buts. Dans le premier, les membres de l’équipe ne travaillent pas de la même façon, mais ont le même objectif, alors que dans le second, c’est plutôt la similitude de vues qui fait défaut.

Dans les problématiques liées aux processus, on distingue trois sources fréquentes de difficultés. D’abord, qui dirige et organise? Ensuite, qui fait quoi? Et enfin, la coordination des tâches. Par exemple, lorsqu’on doit attendre qu’une personne accomplisse une partie du dossier avant de pouvoir commencer la nôtre, cela peut engendrer des retards dans l’accomplissement du travail et, par conséquent, bien des frustrations… Il en va de même si le niveau de qualité n’est pas celui attendu, auquel cas il faudra alors refaire la tâche de notre collègue selon les critères requis.

«Il est crucial de mener des conversations avant de démarrer un projet pour éclaircir ces différents aspects. Si un conflit éclate malgré tout, on doit alors revenir en arrière dans les processus pour voir là où cela a achoppé», recommande Jean Poitras.

En ce qui concerne les conflits liés à une divergence sur les objectifs, il est important de s’entendre sur ceux-ci dès le départ afin de mettre en place une vision commune.

L’occasion d’apprendre

Comment savoir à quel type de conflit on fait face? «Le gestionnaire commence par se demander comment l’équipe s’acquitte de ses tâches et de quelle façon, à ses yeux, elle devrait travailler. Ensuite, il interroge les membres de l’équipe sur la façon dont ils estiment qu’ils devraient accomplir leur travail. Si tout concorde, alors il n’y a pas de problèmes liés aux processus, mais plutôt aux buts ou encore à la personnalité d’un individu en particulier», explique Jean Poitras.

L’idéal, souligne-t-il, est de parvenir à mettre en place un système d’autorégulation. En cas de blocage, l’équipe doit développer le réflexe d’analyser les processus afin de régler les difficultés par elle-même.

En ce sens, un conflit peut donc être une source d’apprentissage et d’amélioration des méthodes de travail. «Si on se centre sur l’efficience des processus au lieu de s’accuser mutuellement, le conflit pourra constituer un levier d’optimisation», assure Jean Poitras, qui mentionne aussi qu’en gardant la tête froide et en se concentrant sur ce qui compte vraiment, on en retirera des bénéfices.

Inversement, éviter le conflit ne permettra pas de régler la crise et les sources de mésentente finiront inévitablement par ressurgir. «Lorsqu’il est bien géré, un conflit aidera à progresser. Il faut donc l’utiliser comme une occasion de grandir et d’apprendre», confirme Sylvain Houde, CRHA, directeur général de la firme Évoluo. Bien utilisé, il deviendra donc un puissant levier d’amélioration des processus au sein de l’équipe.