Attention au poids des responsabilités fantômes!
2025-01-07

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2025-01-16
Attention au poids des responsabilités fantômes!
Management , Ressources humaines

Même si elles n’apparaissent pas dans leur description de poste, des responsabilités moins visibles aboutissent systématiquement dans la cour de certains employés. Or, à ces tâches «fantômes» se greffent souvent sentiment d’injustice et démotivation.
Les responsabilités fantômes sont des tâches non officielles et peu visibles. De nature variée, elles relèvent bien souvent du savoir-être, par exemple, apporter du soutien ou effectuer de la médiation relationnelle afin d’assurer un bon climat de travail. «Des tâches administratives, comme prendre des notes durant les réunions ou produire des comptes-rendus, en font également partie», précise Emilie Pelletier, CRHA, associée, stratégie et transformation organisationnelle au sein de la firme Humance. On pense aussi à la tâche pas toujours drôle d’organiser le party de Noël ou de départ à la retraite d’un collègue. «Tu es bon là-dedans!», se font dire ceux à qui ce rôle échoit invariablement.
Résultat : une foule de responsabilités vient s’ajouter à un horaire déjà chargé, sans que cette besogne supplémentaire ne soit ni reconnue ni même rétribuée.
Prisonnier d’un rôle
De jeunes recrues qui veulent faire valoir leurs compétences et démontrer leur valeur peuvent se porter volontaires pour réaliser ce travail invisible, mais pas seulement. Les employés souhaitant être perçus comme de «bons collègues» auront aussi tendance à en prendre davantage sur leurs épaules. Emilie Pelletier souligne également que si les rôles ne sont pas clairs, il y a fort à parier que ce soient toujours les mêmes personnes qui écopent des tâches ingrates.
Au bout du compte, on se retrouve prisonnier d’un rôle, indique Didier Dubois, CRHA, Distinction Fellow, associé, stratégie et transformation organisationnelle chez Humance. «La présomption selon laquelle la personne va s’en charger finit par s’installer, ce qui l’emprisonne dans un rôle et peut même la cantonner dans un poste. Or, ces tâches ne sont pas valorisées et sont également difficiles à mesurer. Malgré le poids de ces responsabilités et la charge mentale, il n’y a pas de reconnaissance, ce qui génère de la démotivation», observe-t-il.
Enfin, la culture organisationnelle peut également exercer une pression, incitant les travailleurs à en faire toujours plus que ce qui leur est officiellement demandé. «Il existe des milieux où les attentes implicites sont très élevées. On s’attend par exemple à ce que les gens commencent à travailler à 7h et quittent le bureau à 19h. Mais ce faisant, on brûle ses ressources», remarque pour sa part Léandre Chénard-Poirier, psychologue industriel et organisationnel, professeur adjoint en comportement organisationnel au Département de management à HEC Montréal.
Quantité ne veut pas dire qualité
Patrick Dubé, CRHA, maître d’enseignement au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal, note aussi que les traits de personnalité peuvent peser lourd dans la balance. «Ainsi, certains individus vont systématiquement se porter volontaires. Il faut donc se réguler soi-même et ne pas toujours lever la main. De son côté, le patron devrait aussi éviter de sombrer dans la facilité, apprendre à dire non et confier ces tâches à d’autres», recommande-t-il. Car les employés les plus dévoués, ceux qui en font le plus, seront aussi les premiers à tomber au combat en raison de surmenage.
Par ailleurs, quantité n’est pas nécessairement synonyme de qualité : des recherches ont démontré que les premières 35 à 40 heures de travail hebdomadaires sont généralement les plus efficaces et qu’au-delà, les résultats ne sont plus nécessairement au rendez-vous. «En tout temps il faut rechercher l’équilibre, sans cela les employés vont au-delà de leurs ressources et finissent par s’épuiser», prévient Patrick Dubé.
Enfin, des chercheurs se sont penchés sur le principe de justice organisationnelle et la perception d’équité, c’est-à-dire lorsque les employés comparent leurs efforts et ce qu’ils reçoivent en retour de l’entreprise, par rapport à leurs collègues. «Ils auront alors tendance à rééquilibrer leur performance en fonction de ce qu’ils perçoivent recevoir de l’organisation. On commence généralement par éliminer le travail supplémentaire, puis on effectue de moins en moins de tâches et la motivation est en chute libre», explique Léandre Chénard-Poirier.
L’importance de la reconnaissance
Est-il possible, en tant que gestionnaire, de renverser la vapeur? Avoir des attentes justes et raisonnables, structurer et répartir le travail entre les membres de son équipe, mais aussi revoir les descriptions de poste font partie des premières étapes.
Reconnaître les responsabilités fantômes, afin que justement elles deviennent visibles, est un autre incontournable. Il faudra donc les définir, mais aussi les valoriser, et autant que faire se peut, les relier à une certaine forme d’évaluation de performance. «En matière de reconnaissance, quatre volets devraient être considérés : les résultats, l’expertise, les efforts et le savoir-être. Or, ce dernier aspect est rarement pris en compte alors que les responsabilités invisibles relèvent bien souvent de cette catégorie», mentionne Didier Dubois, qui rappelle d’ailleurs que ces fameuses «soft skills» font partie des compétences du futur et seront de plus en plus recherchées à l’avenir.
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