La géante Apple dévoilait mardi 25 octobre (2016) les résultats de son quatrième trimestre d’activités. Des résultats somme toute décevants, comme l’ont relevé la plupart des analystes de par le monde, que l’entreprise à la pomme espère renverser à brève échéance. Je ne suis malheureusement pas de cet optimisme, malgré – pour divulgation complète, ici – mon statut d’actionnaire et de fan fini de la marque et ce, pour deux raisons.


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Le iPhone n’est plus ce qu’il était

Apple a bâti sa valeur d’entreprise autour d’une expérience client sans reproche, ce qu’elle offre encore et demeure son plus grand facteur de différenciation, et d’efforts d’innovation sans relâche. Pas de l’innovation tous azimuts comme chez Google, mais ciblée sur des catégories de produits qui gagnaient à être réinventées, améliorées, simplifiées. C’est ainsi qu’il n’y a pas si longtemps, il y avait sur Terre deux types de téléphones cellulaires : les iPhone, et les autres. L’iPhone était à ce point différencié et unique, dans la perception des gens, qu’il méritait sa propre catégorie de produits dans l’esprit des gens. Or, l’innovation a disparu des iPhone depuis au moins deux ou trois générations. Innover ne veut pas dire lancer un nouveau modèle, mais plutôt doter ces nouveaux modèles de caractéristiques qui n’existaient pas avant, oui, mais qui sont aussi d’une grande pertinence et d’une grande utilité pour les usagers et également d’une qualité irréprochable. Ce déficit d’innovation mène toutes les entreprises et les marques, à terme, à la banalisation : un iPhone ne sera plus bientôt qu’un autre modèle de téléphone cellulaire parmi tant d’autres. Et cette banalisation rime avec l’indisposition des consommateurs à payer plus cher pour un produit qu’ils ne perçoivent plus comme supérieur ou différent des autres… ce qui explique qu’alors qu’un iPhone moyen se vendait 670 $ il n’y a pas si longtemps, il ne se vend plus en moyenne qu’à 619 $. L’érosion de la marque iPhone a largement débuté, ce qui est plutôt gênant quand on sait que ce produit compte pour 60 % des revenus d’Apple. Si l’innovation a grandement disparu du iPhone, il en va de même dans toute l’entreprise. Les rumeurs de l’entrée d’Apple dans le secteur des téléviseurs persistent, mais les efforts investis dans son produit Apple TV semblent indiquer que l’entreprise restera plutôt là où elle est, avec un produit périphérique au téléviseur. Les rumeurs vont également bon train à l’égard d’une entrée dans le domaine des voitures, avec le rachat présumé de McLaren… Mais la réalité est que les ventes d’ordinateurs reculent, que celles des iPad stagnent malgré le lancement du iPad Pro (plus cher et plus profitable), que la montre Apple n’a jamais réellement décollé… et la croissance ne vient réellement que des services de stockage de données (iCloud), de musique (Apple Music) et de paiement (Apple Pay).


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Tim Cook, le « pape de transition » qui colle

Tout cela s’explique probablement par le leadership de l’entreprise. Tim Cook, nommé temporairement puis de manière permanente en remplacement de l’iconique Steve Jobs, est d’abord un gestionnaire, un homme d’opérations. Le genre de personne à qui vous confiez votre maison pendant vos vacances, et vous pouvez être certain que les comptes seront dûment payés et qu’elle vous sera rendue possiblement plus propre qu’elle ne l’était à votre départ. Mais Steve Jobs, en votre absence, aurait plutôt été du genre à rajouter un étage, relooker la salle de bain, et refaire puis déplacer votre cuisine à un endroit différent de là où elle était au départ… C’est ainsi qu’au cours des cinq dernières années, soit durant le règne de Tim Cook, le prix de l’action d’Apple a essentiellement doublé en bourse (101 % de rendement). Pas mal… mais à peine un peu mieux que le NASDAQ composite (96 % de rendement), dans lequel, d’accord, Apple pèse fortement. Qu’à cela ne tienne : pendant ce temps, l’action de Google s’appréciait de 171 % et celle d’Amazon de 283 %. Même l’action de Whirlpool, le fabricant d’électroménagers qui innove sans relâche, gagnait 193 % en bourse sur la période. Et pendant ce temps, Tony Fadell, l’un des pères du iPod, quittait Apple pour fonder Nest Labs, un fabricant de thermostats intelligents, vendu à Google en janvier 2014 pour la modique somme de 3,2 milliards $ US.  Le manque de direction en matière d’innovation est clair. Tellement, en fait, que quelque 177 des 216 milliards $ US que détient désormais Apple en réserves un peu partout à travers le monde sont en fait investis dans des fonds qui rapportent… des intérêts! C’est un principe de prudence dans la gestion de ses réserves, et on saisit bien qu’Apple ne veut pas non plus rapatrier son magot aux États-Unis puisqu’elle devrait alors en reverser quelque 40 % au fisc américain. Mais qu’une entreprise qui aurait, depuis plusieurs années, tous les moyens de toutes ses ambitions se borne à investir dans des véhicules de placement aussi bêtes que des obligations d’épargne au lieu d’investir dans son propre capital créatif suggère que c’est là une entreprise qui a le pied sur le frein et qui ne sait visiblement pas trop où elle s’en va en matière d’innovation.

Tout ce qui monte doit redescendre

En matière de marque et de valeur, il est clair qu’Apple est à un sommet. Mais ce sommet commence à avoir des allures de plateau… et peut-être de faux plat descendant. On sait qu’une marque technologique bien différenciée peut valoir entre 4 et 5 fois ses ventes – Apple vaut actuellement 2,9 fois ses ventes… c’est dire que les investisseurs commencent déjà à croire que la marque est en déclin. Pour référence, Amazon vaut 3,3 fois ses ventes et Google vaut 6,8 fois ses ventes. Les déboires actuels de Samsung aideront sans doute Apple à connaître un prochain trimestre intéressant, mais sans réinvestissement majeur en innovation, je crains le pire. Apple n’a plus besoin d’avoir à sa tête un gestionnaire de transition pour « garder la maison en ordre ». Elle a besoin d’un nouveau bâtisseur. D’un innovateur. D’un entrepreneur.