Article publié dans l'édition printemps 2017 de Gestion

Être gestionnaire est avant tout une aventure humaine. Et c’est une aventure qu’on peut vivre avec plus ou moins de bonheur, selon notre degré de préparation pour relever le principal défi qu’elle pose : avoir l’autorité d’un patron sans user d’autorité. Pour y parvenir, vous devrez compter uniquement sur votre habileté à communiquer.

Presque toutes les fonctions de gestion impliquent de la communication : participer aux décisions, déléguer des tâches, reconnaître les efforts, préciser les rôles, gérer les conflits, fixer les objectifs, évaluer le personnel, etc. Au-delà de vos compétences techniques ou de votre expertise, c’est donc votre façon de communiquer qui vous distingue. Vous êtes la voix de votre organisation. Et c’est par votre entremise que les employés décideront de s’engager ou non envers celle-ci.


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Votre succès passe par votre habileté à communiquer

Malgré cela, quand nous nous demandons si nous sommes de bons gestionnaires, ce n’est pas notre habileté à communiquer qui nous vient à l’idée en premier lieu. Et même si nous y pensons, nous sommes rarement les bonnes personnes pour en juger. Fait intéressant à noter, la majorité des gestionnaires échouent à se distinguer en tant que communicateurs. Quand ils sont évalués par leurs employés sur ce point, seulement 10 % d’entre eux sont jugés « bons » et 0 % « très bons ». La grande majorité – 68 % – sont jugés « moyens »1. Vous-mêmes, quand vous pensez à votre supérieur immédiat, comment l’évaluez-vous ? Lorsqu’on veut inspirer les autres, être un communicateur « moyen » ne suffit pas. Heureusement, communiquer, ça s’apprend.

Règle d’or soyez clair !

Vos conversations les plus fréquentes en tant que patron ont pour but d’orienter – ou de réorienter – certaines personnes. Quand on demande à des employés comment leur patron peut réussir à les orienter, voici ce qu’ils répondent :

  • Je veux recevoir des directives claires,

  • Je veux obtenir de la reconnaissance,

  • Je veux plus d'autonomie,

  • Je veux savoir ce qu'il me manque pour m'améliorer.

D’expert à gestionnaire : quelques pièges à éviter

Le grand deuil à surmonter quand on devient gestionnaire consiste à ne plus être celui qui fait mais à devenir celui qui fait faire. Votre rôle n’est plus de réussir une tâche mais d’amener quelqu’un d’autre à réussir dans cette tâche. C’est dorénavant en fonction de cela que vous serez évalué. Ainsi, quand vous communiquez des directives, ne cédez pas à la tentation d’agir à la place de l’autre. Vous croyez peut-être gagner du temps, mais vous envoyez un message très démotivant à l’employé et, à long terme, les résultats ne seront pas au rendez-vous.

Un autre piège consiste à donner trop de directives afin de s’assurer que l’employé a vraiment bien compris. Cela peut partir d’une bonne intention, mais au bout du compte, cela nuit à l’autonomie de l’employé. Aidez-le à comprendre vos attentes ; ne le surprotégez pas.

Enfin, ne commettez pas l’erreur de penser que les gens travaillent pour vous. Ils travaillent avec vous. Quand vous les présentez, ne dites pas : « C’est mon employé » ou « Il travaille pour moi ». Dites plutôt : « C’est un collaborateur. » Ce changement de perspective influencera votre façon de communiquer avec eux. Et il vous aidera à devenir un patron inspirant, crédible et respecté.


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Les cinq attitudes d’un dirigeant inspirant

Comment se comporter quand on devient dirigeant ? Selon André Camiré, spécialiste en intégration de nouveaux dirigeants, l’attitude qui vous aidera à devenir un gestionnaire inspirant se compose des éléments suivants :

  • Avec chaque membre de l’équipe : reconnaître la personne avant sa fonction ;

  • Auprès de tous : s’intéresser plutôt que chercher à être intéressant ;

  • Avec le patron : bâtir une relation de partenariat (et non de subordination) ;

  • Gérer l’équipe comme une entité en soi ;

  • Écouter les autres.

Quatre questions engageantes

Yves Devin, dont le passage à la direction de la Société des transports de Montréal (STM) de 2006 à 2012 a notamment été remarqué pour son approche mobilisatrice, invite les gestionnaires qui veulent des employés mobilisés à leur poser les quatre questions suivantes :

  • Qu'est-ce qui va bien?
  • Qu'est-ce qui va mal?

  • Qu'est-ce qu'on devrait faire qu'on ne fait pas en ce moment?

  • Qu'est-ce qu'on ne devrait plus faire?

En répondant à ces questions, les gens s’engagent automatiquement. Ils se mobilisent individuellement et collectivement. Yves Devin est catégorique : « 95 % des gens ont de l’imagination et de la volonté. Leurs réponses vont vous étonner. »

Ce dernier élément est souvent négligé quand on pense à la communication d’un patron parce qu’on voit plutôt ce dernier comme la personne qui parle, celle qu’on écoute, celle qui donne des directives ou des récompenses, celle qui connaît toutes les solutions.

Gérez vos communications

Comme gestionnaire, la communication représente 80 % de votre temps. Optimisez ce temps en le planifiant : faites-en une routine. Cette routine de communication devrait comprendre une variété d’activités de communication destinées à divers groupes cibles. Pensez aux canaux de communication à votre disposition au sein de l’organisation et choisissez ceux qui conviennent le mieux à votre style de communication et à ce que vous cherchez à atteindre.

Prévoyez non seulement diverses activités formelles – réunions de groupe, rencontres individuelles, courriels, conférences téléphoniques, etc. – mais aussi des activités informelles, par exemple aller manger à la cafétéria de temps en temps avec votre équipe, vous promener dans le bureau pour prendre le pouls, planifier des activités en dehors du cadre de travail, etc.

Faites attention à ne pas surcharger votre routine. Adoptez une approche stratégique et rappelez-vous que vous ne contrôlerez jamais votre horaire à 100 %.

Réussissez votre entrée en fonction

L’adage selon lequel on doit donner bonne impression du premier coup s’applique merveilleusement à l’entrée en fonction d’un nouveau gestionnaire. Celle-ci devient plus délicate si, de surcroît, on devient le gestionnaire d’anciens collègues.

Yves Devin, qui a été directeur général du Casino de Montréal avant son passage à la STM, est un dirigeant qui a dû vivre cette expérience à quelques reprises au cours de sa carrière. Ses recommandations sont les suivantes :

  • Assumez le fait que vous êtes le patron, mais évitez à tout prix de « jouer au boss » ;

  • Rencontrez individuellement tous les candidats à un poste avant de faire votre première rencontre d’équipe ;

  • Convoquez une première réunion d’équipe de type informel pour vous permettre de connaître les gens et leur donner l’occasion de se connaître davantage ;

  • Faites suivre ce premier contact d’une réunion plus formelle où vous pourrez parler de stratégie, de vision.

On ne naît pas inspirant, on le devient. Les gestionnaires inspirants le sont devenus à force d’y travailler. Quand on me demande par où commencer, ma réponse est simple : il faut le vouloir. Ensuite, il faut établir un plan d’action et se donner les moyens de réussir.


Pour aller plus loin

  • Cormier, Solange, La communication et la gestion (2e éd. revue et corrigée), 2011, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2006, 250 p.
  • Lord, Isabelle, Gestionnaires inspirants – Les 10 règles de communication des leaders, Montréal, Éditions Logiques, 2011, 194 p.

Note

1. Selon une étude de la société américaine Melcrum menée auprès de 4 000 employés en 2008.