Rapide retour sur les bancs d’école, le temps d’une journée, pour les directeurs des ressources humaines (DRH) membres de l’Ordre des conseillers en ressources humaines (CRHA), lors du Sommet des DRH tenu au centre-ville de Montréal, le jeudi 9 juin dernier. Lors de cette journée bien remplie, les participants ont eu la chance d’entendre les propos inspirants d’Alexandre Taillefer, homme d’affaires et philanthrope bien connu au Québec.

Sur l’heure du lunch, M. Taillefer a entretenu l’auditoire sur l’aventure de Téo Taxi, l’entreprise qu’il a lancée à la fin novembre 2015, et qui s'insère dans un domaine d'affaires qui a pris, au cours des derniers mois, les allures d'un véritable champ de bataille. Car entre les compagnies de taxi traditionnelles, usées et rendues inertes par des décennies de position quasi monopolistique, et Uber qui se fait le chantre de la libre entreprise, quitte à bousculer certaines législations au passage, Alexandre Taillefer et Téo Taxi proposent un modèle d'affaires qui détonne et qui, surtout, replace l'humain au cœur du service offert aux Montréalaises et aux Montréalais.

L'essence de Téo Taxi

La genèse du projet, pour Alexandre Taillefer, c'est d'abord et avant tout les mauvaises conditions de travail qui sont la norme dans le domaine : « Je me suis dit que si on était pour réinventer le taxi, il va falloir qu'on le réinvente pour nous assurer que les gens qui travaillent dans cette industrie-là puissent en vivre décemment », a campé d'emblée l'homme d'affaires. Dès lors, l'orientation de l'entreprise était déjà toute tracée : « Avant même d'être une entreprise de taxi, Téo Taxi, c’est d’abord une entreprise de ressources humaines », a indiqué le PDG Taillefer. Perspective originale, audacieuse et tout en contraste avec la réalité de l'industrie, où la norme est davantage axée sur le statut de travailleur autonome pour les chauffeurs, avec ce que cela peut comporter en termes de rythme de travail et de qualité de vie pour ces derniers.

La révolution verte et blanche

Entrée en scène, donc, de Téo Taxi avec un tout nouveau modèle d’affaires, au sein duquel les chauffeurs sont des salariés de l'entreprise, à un taux horaire de 15 dollars, et bénéficient de deux semaines de vacances et d’un bouquet d’avantages sociaux. « Si vous prenez un Téo, vous entendrez peut-être le chauffeur vous parler du weekend qu'il a passé avec sa famille! Il y a même des chauffeurs qui ont perdu 50 à 60 livres parce qu'ils ont maintenant la chance d'aller au gym, une chose impossible auparavant, faute de temps. Pour moi, c'est ça, l'innovation : une innovation sociale qui permet aux gens de vivre décemment! », a martelé Alexandre Taillefer. Concrètement, au sein même de son entreprise, et du point de vue des ressources humaines, Alexandre Taillefer fait tout en en son pouvoir afin de mettre en place des conditions qui favoriseront le bien-être et le développement de ses employés. Signe qui ne saurait tromper, la fonction ressources humaines chez Téo Taxi se dénomme plutôt « Personnes et culture ». Et à ce titre, le dirigeant veut déployer, dans les semaines à venir (l'entreprise est toute jeune, rappelons-le!), des initiatives sur la reconnaissance, sur la formation continue et sur le développement des compétences de ses employés. Surpris d’un tel discours? C’est mal connaître l’homme d’affaires, apologiste d’un « capitalisme renouvelé » où s’articulent sur un même pied l’entreprise et sa nécessité du profit, le client et ses besoins à combler, et la société qui doit progresser, pour le bien de tous et chacun. « Pour moi, ce capitalisme renouvelé aujourd'hui, c'est de comprendre que ces mesures progressistes [comme celles implantées chez Téo Taxi] sont des mesures qui sont au bénéfice des entreprises », signale l'homme d'affaires, qui mentionne au passage de belles réussites à ce chapitre chez Costco, dans le commerce de détail, ou chez Telus, dans la téléphonie cellulaire. « Et nous avons la responsabilité, comme citoyen et consommateur, de voter avec notre portefeuille afin d'encourager ces entreprises.»

Le spectre de la robotisation

Aux gens de ressources humaines venus l'entendre, Alexandre Taillefer a également pointé le grand danger que constitue la robotisation, un phénomène qui est à nos portes, et qui a peut-être même déjà un pied dans la porte, notamment dans le domaine automobile, avec l'arrivée imminente des voitures autonomes. Il prédit que la robotisation va s’attaquer à des pans importants de nos économies et va frapper de plein fouet, on s'en doute, les travailleurs moins qualifiés. Il est donc impératif que les spécialistes en ressources humaines soient proactifs à ce chapitre : « Comment allez-vous, en tant que gens des ressources humaines, être en mesure de créer de l'adaptabilité chez cette main-d'œuvre? » a-t-il interpellé son auditoire. Car laisser ces millions de travailleurs de côté, c'est socialement se préparer des lendemains qui déchantent... Pour reprendre une expression anglaise qui rend bien la chose, le PDG de Téo Taxi « puts his money where his mouth is »! Le changement social et économique, Alexandre Taillefer l'instille goutte à goutte par l'entremise de son entreprise. Téo Taxi embauche actuellement à raison de dix têtes par semaine, et Alexandre Taillefer voit loin et grand. L’entreprise, forte de ses 175 chauffeurs, passera à 550 employés au terme de l’année 2016, pour atteindre 5 000 personnes à l’aube de la décennie 2020. Les véhicules verts et blancs électriques, marque de commerce de Téo Taxi, devraient également se multiplier dans d'autres marché géographiques (Québec et Toronto sont dans la ligne de mire) et dans d'autres sous-domaines, tels le transport scolaire, le cargo, la location et le transport adapté. Casquette basse pour ce capitaliste assumé, mais profondément humain, et porteur d'une vision d'affaires et de cœur.