Le 28 novembre 2022, le pôle IDEOS de HEC Montréal a pris l’initiative de réunir un panel exceptionnel sous le titre «Pauvreté et inégalités sociales : pourquoi avons-nous besoin de Centraide?» Ce qui suit est un court résumé des conversations riches et variées auxquelles cette conférence-débat a donné lieu. Pour nous rappeler, de façon opportune, qu’aider… c’est aussi de nos affaires1!

Autour de la table, en conversation avec un auditoire attentif, étaient présents : Luciano Barin Cruz, professeur titulaire ainsi que directeur et cofondateur du pôle IDEOS; Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du Grand Montréal; Christian Bourque, vice-président exécutif et associé chez Léger; et Jean-Sébastien Patrice, directeur général de MultiCaf, un organisme actif dans l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. Le tout était animé par Diane Bérard, journaliste de solutions.

Afin de bien poser les termes du débat, l’existence de trois perspectives principales permettant de mieux comprendre la notion de pauvreté – l’objet de nos échanges – a tout d’abord été mise en évidence par le directeur du pôle IDEOS, Luciano Barin Cruz. La première de ces perspectives, la plus commune, définit avant tout la pauvreté en relation avec un manque d’accès aux ressources minimales assurant des conditions de vie décentes. Les mesures de la pauvreté, en fonction du revenu médian ou en proportion d’une population, sont souvent construites sur la base de cette définition.

Une deuxième façon de considérer la pauvreté est de la replacer dans un contexte vécu qui dépasse le simple manque de ressources, mais qui comprend également, en matière d’inclusion, la capacité d’une personne – pour elle-même et pour sa famille – à jouir d’un environnement sûr et sain de même qu’à contribuer sans trop d’entraves à la vie démocratique d’une société donnée.

La troisième perspective, moins orthodoxe, complète la façon de voir précédente en y ajoutant plus particulièrement les éléments de perception et, souvent, de stigmatisation qui accompagnent les situations de pauvreté. Nous voir pauvres dans les yeux des autres correspond aussi à une situation d’aliénation, source de souffrance ainsi que de limitations sociales et culturelles parfois très profondes.

Dans les faits, et au quotidien – que ce soit à la direction de Centraide du Grand Montréal pour Claude Pinard ou dans le contexte des interventions multiples de Jean-Sébastien Patrice au sein de son organisme MultiCaf –, ces trois perspectives se conjuguent de manière étroite. Avec un constat net et implacable : celui de la forte hausse actuelle des conditions de précarité chez nombre de nos concitoyens, y compris les personnes qui disposent pourtant d’un plein revenu d’emploi. La situation difficile causée par la crise pandémique, situation qui se prolonge encore aujourd’hui avec de forts échos sociaux et économiques, a eu à cet égard un effet dévastateur; il n’y a qu’à regarder la hausse persistante et particulièrement élevée des coûts associés au logement ou à l’alimentation pour nous en convaincre, hélas.

Deuxième investisseur sociocommunautaire après le gouvernement du Québec, Centraide épaule dans la grande région de Montréal jusqu’à 375 organismes qui profitent ainsi d’un apport assurant leur survie et, bien plus encore, la pérennité de leurs actions. Cette continuité d’action s’avère essentielle à la constitution d’un véritable filet d’entraide au cœur de la vie de nos communautés. L’intervention de Centraide est aussi, ne l’oublions pas, un facteur positif du maillage étroit qui existe entre l’ensemble de ces organismes, pour qui la bonne coordination de leurs actions multiples demeure fréquemment un défi.

Début novembre, Centraide du Grand Montréal et la firme de recherche Léger ont lancé le tout premier indice d'anxiété financière pour le Québec; un indice qui, selon Christian Bourque, permet de quantifier l'évolution du stress économique vécu par nos concitoyens à travers le temps. Les premiers résultats montrent une situation contrastée et passablement préoccupante pour les franges de la population les plus affectées par les contrecoups de la pandémie, un phénomène que nous venons d’évoquer et qui est loin d’être marginal. Ainsi, 42 % des Québécois éprouvent une anxiété financière de modérée à extrême. Plus les facteurs de défavorisation s’ajoutent, plus les préoccupations deviennent aiguës, ce qui ne surprendra personne.

La mise en place d’une mesure de ce type permet de mieux piloter les actions d’organismes présents sur le terrain avec, à la clef, des progrès possibles nettement appréciables en matière de gouvernance. Cette notion d’efficacité a été au centre des conversations qui ont clos cet échange. Centraide du Grand Montréal, dont les frais d’administration générale ne dépassent pas 12 % des dons reçus, est un acteur qui a su, au fil du temps, faire de cette efficacité l’un des principes fondateurs de son action comme de sa présence.

Dans le contexte de la campagne annuelle Centraide de HEC Montréal, ce type d’événement – qui mêle présentation des réalités de terrain, réflexions d’ensemble et échanges sur les meilleures voies d’intervention à envisager – est destiné à se reproduire. Pour le milieu des affaires, ces questions de société ne peuvent être vues comme périphériques. La santé de toutes nos communautés est une condition importante de la prospérité du Québec d’aujourd’hui, mais aussi de demain; pensons ici à l’incidence d’une précarité familiale marquée sur la réussite éducative, entre autres exemples.

Au moment même où vous lisez cet article, la campagne Centraide 2022 de HEC Montréal s’achève sur un montant record de dons. À cela, il convient d’ajouter les sourires retrouvés et échangés tout au long d’une campagne qui était enfin de retour en formule présentiel. Un trait qui est ressorti en conclusion de notre échange est celui de la confiance : confiance en nous et en nos possibilités pour les personnes qui se trouvent en situation de précarité; confiance dans les organismes d’intervention, au-delà d’une seule reddition de comptes; et confiance pour nous toutes et tous dans notre capacité collective à redonner de l’espoir à l’ensemble de nos communautés.

Pour reprendre le titre de ce court compte rendu : c’est aussi de nos affaires!


(Ces propos n’engagent que l’auteur de ce texte.)

 

À propos du pôle IDEOS : ideos.hec.ca

À propos de Centraide du Grand Montréal : centraide-mtl.org

À propos de l’organisme communautaire MultiCaf : multicaf.org

À propos de Léger : leger360.com

À propos de l’animatrice de la table ronde : linkedin.com/in/dianeberard


Note 

1. L'auteur de cet article, Pierre Balloffet, a été coprésident avec Joanne Griffith de la grande campagne annuelle Centraide 2022 de HEC Montréal.