De plus en plus d’entreprises offrent à leurs employés la possibilité d’effectuer du télétravail quelques jours par semaine. Un avantage aux yeux de plusieurs, mais qui apporte son lot de défis pour les gestionnaires. Quelques conseils pour réussir cette transition, du télétravail classique jusqu’aux équipes complètement délocalisées.

Avant d’entreprendre un virage vers le télétravail, il faut se questionner sur la forme que prendra le travail délocalisé dans votre organisation, explique Francis Gosselin, associé et consultant au Groupe SAGE. « Entre le bureau complètement virtuel et les employés qui ont la possibilité de combiner des journées au bureau et à la maison, les déclinaisons sont multiples. On pourrait même ajouter les horaires très flexibles à cette formule. »

Deux autres facteurs sont à prendre en compte, ajoute Jessica Bérard, consultante au Groupe SAGE : « Il faut, d’une part, évaluer les caractéristiques du travailleur. Celui-ci doit être pleinement autonome et habile avec la technologie. D’autre part, il faut se demander si son emploi et ses tâches se prêtent bien au télétravail. »  D’ailleurs, la recherche démontre que les employés à distance sont plus productifs quand leur travail demande beaucoup de concentration, affirme Anne Bourhis, professeure titulaire au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal.

Des objectifs redéfinis

Ces nouvelles formes de travail demandent une façon de diriger différente de la méthode traditionnelle, explique Francis Gosselin. En effet, plus question de vérifier la présence des employés ou même leurs processus de travail. « On doit passer à un mode de gestion par l’atteinte d’objectifs et de livrables », précise-t-il. 

Ces cibles sont à établir en équipe, ajoute Éric Brunelle, professeur agrégé au Département de management de HEC Montréal. « Dans les organisations les plus performantes en termes de travail à distance, on prend en compte le fait que les gestionnaires ne peuvent être omniprésents. On leur conseille donc, par exemple, de coconstruire les objectifs avec leurs employés et d’en discuter régulièrement avec eux. Cela permet de mesurer des éléments moins évidents à percevoir, comme l’attitude. » Pour les mêmes raisons, l’évaluation doit porter non seulement sur les employés, mais aussi sur le gestionnaire afin qu’il puisse s’ajuster en cas de besoin.

Le cadre à établir

Pour créer un lien de confiance, essentiel à la relation à distance, il est important de définir un cadre précis. Qui appeler en cas de problème? À quels moments le télétravailleur est-il disponible pour prendre les appels? Quel délai semble raisonnable pour répondre à un courriel? « Plus les employés savent ce qu’on attend d’eux, plus ils se sentent confortables, explique Éric Brunelle. Il faut donc offrir beaucoup de flexibilité et de liberté, mais dans un terrain de jeu hyperdéfini. »

Anne Bourhis ajoute que le fait de clarifier toutes ces questions liées à l’organisation du travail permet de rassurer non seulement le gestionnaire, mais aussi les employés. Toutefois, ces règles ne doivent être ni immuables ni unilatérales, précise-t-elle. « Il faut faire le point régulièrement avec ses employés, mais également leur demander comment ils se sentent, s’assurer qu’ils ont tous les outils pour accomplir leurs tâches et le soutien nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. »


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Des liens à créer

Cette dimension est d’autant plus importante que, dans un bureau, beaucoup d’informations se partagent dans un contexte informel, autour de la machine à café par exemple. Le gestionnaire doit donc trouver des façons de favoriser la rétroaction et de provoquer des rencontres. « Il ne faut pas attendre la date de remise d’un travail pour s’assurer que tout va bien, donne en exemple Anne Bourhis. Il vaut mieux appeler régulièrement les membres de son équipe qui ne travaillent pas régulièrement sur place pour savoir s’ils ont des questions. » Ces échanges sont également une façon efficace de contrer l’isolement que vivent souvent les télétravailleurs. De plus, il peut être facile d’oublier un employé qui ne travaille pas directement au bureau quand vient le moment d’offrir une promotion, ajoute-t-elle. « C'est important d'élaborer un plan de gestion des talents, assorti de rencontres régulières pour prendre le pouls », confirme Jessica Bérard.

Il est aussi essentiel de créer des liens entre les membres de l’équipe, autour de réunions ou même d’activités sociales en dehors du boulot. « Quand les gens se connaissent et se côtoient, cela facilite les communications. La collaboration devient plus facile, moins impersonnelle », estime Anne Bourhis. Ainsi, il est moins intimidant de décrocher son téléphone pour appeler son collègue quand on a une question ou une demande à lui faire. L’utilisation d’outils collaboratifs, comme Slack, peut simplifier cette communication, ajoute Francis Gosselin.

Une entreprise bien réelle

Éric Brunelle va plus loin. Selon les études, le fait de se représenter mentalement l’organisation aide le travailleur d’une équipe délocalisée à diminuer la distance psychologique qui se dresse entre lui et ses collègues. « Si je vous demande de mener à bien un projet alors que vous ne connaissez pas les autres employés, les départements et les ressources à votre disposition, vous risquez d’avoir du mal à y arriver. »

En plus d’augmenter l'efficacité, avoir une image de l’entreprise, de ses équipes, de sa culture et de son climat nourrit le sentiment d’appartenance au groupe. Pour stimuler le tout, Éric Brunelle conseille d’inviter les nouvelles recrues à commencer leur contrat au bureau et de les rencontrer régulièrement pour nouer des liens, poursuit-il. « C’est une notion primordiale, mais très souvent oubliée. » Autant d’éléments qui permettent de diminuer la distance émotionnelle qui vient avec le télétravail.


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