Depuis bientôt deux mois, et en l’espace de quelques jours seulement, le quotidien bien huilé de nombreuses entreprises a été remis drastiquement en question. Tous les projets à plus ou moins long terme ont été balayés. Plus que jamais, l’incertitude règne en maître. Appelé à traverser la tempête pour mener ses troupes à bon port, le gestionnaire peut à juste titre être déstabilisé, car la posture d’un capitaine humble, calme et confiant face à l’adversité est souvent plus facile à dépeindre dans les manuels qu’à incarner dans la réalité. Tour d’horizon des principaux défis et des pistes de solutions possibles.

La révolution subite opérée dans la manière habituelle de fonctionner s’apparente, en termes systémiques, à un changement dit « radical » qui implique une réorganisation presque immédiate du travail pour passer à travers une crise comme celle de la COVID-19. Ce type de changement requiert une vision claire de la direction à prendre et un leadership fort pour entraîner ses collaborateurs à s’engager pour assurer la pérennité de l’organisation. Or, si les principes de gestion participative sont appréciables en situation ordinaire, ils s’avèrent pourtant nettement moins efficaces dans des circonstances de crise, où les employés attendent que des décisions soient prises rapidement et qu’elles soient claires et spécifiques. La situation d’urgence qu’entraîne la crise sanitaire suscite des attentes à l’égard des gestionnaires : on leur demande d’assumer pleinement leur rôle de direction et de soutien à leurs collaborateurs, sans pour autant tomber dans l’autoritarisme. Cela suppose qu’ils soient capables de gérer l’anxiété engendrée par la pandémie, tout en donnant un sens aux événements dans un contexte d’incertitude.

1. Renforcer le sentiment d’appartenance en tablant sur la solidarité

Les attentes de directivité et de bienveillance sont amplifiées par le fait que la plupart des collaborateurs – y compris les gestionnaires et les dirigeants – se retrouvent dans un état de choc, de sidération, voire de deuil. Ceci rend d’autant plus important de parvenir à maintenir le lien entre les collaborateurs et le sentiment d’appartenance à l’organisation, afin de donner à ses équipes le carburant émotionnel pour tenir sur la durée. Toutefois, en raison des mesures de confinement, cette tâche prend des allures de double contrainte : maintenez ce lien social si important avec vos équipes, mais gardez vos distances! Plus que jamais, le gestionnaire a besoin d’une connaissance fine des états émotionnels et cognitifs de ses collaborateurs pour les soutenir dans cette phase critique.

2. Définir des règles inspirées par les valeurs fondamentales de l’entreprise

Comme un capitaine naviguant dans la tempête, édicter rapidement des règles spécifiques qui soient inspirées par les valeurs humaines et qui donnent un sens à la crise permettra à chacun de garder le cap sur ce qui compte vraiment : la santé et la sécurité des personnes ainsi que la pérennité de l’entreprise. Lorsqu’elles sont claires, pertinentes et comprises, les règles agissent comme des « tuteurs de résilience » en temps de crise. Elles donnent un cadre qui rassure et qui oriente l’action tout en instaurant de la certitude dans un contexte qui en manque cruellement. Contrairement aux habitudes, il faut vite apprendre à naviguer à vue, en faisant quotidiennement appel à la créativité, à l’inventivité, voire à l’improvisation : révolutionner des processus, se tromper, tolérer l’échec, la critique et la fatigue, avant de se relever, pour recommencer sans relâche. Dans ce contexte, les règles édictées doivent être souples sans être lâches, et indulgentes sans être permissives. Elles doivent être axées sur les forces et les talents de chacun.

3. Communiquer des perspectives en donnant un sens à la crise

Il s’avère aussi essentiel de distinguer les orientations données à court terme (ce que nous faisons, ici et maintenant, pour faire face à l’adversité dans l’immédiat) des perspectives à long terme (ce que nous allons apprendre de cette épreuve). En effet, les conséquences de la COVID-19 seront à la mesure du choc que cette pandémie a provoqué : les choses ne seront probablement plus jamais « comme avant ». Comme cela arrive souvent à la suite de situations traumatiques, il est possible que les aspirations des collaborateurs à réaliser un métier qui « contribue à un monde meilleur » soient fortement renouvelées. Par conséquent, la communication sur les perspectives à long terme gagnera à mettre en exergue le sens et l’importance sociale du travail réalisé par chacun des collaborateurs. Et ce, même si la compréhension de « ce qui fait sens » demeure hautement individuelle.

4. Gérer le stress en renforçant l’adaptabilité de son équipe

Dans l’urgence, le temps alloué à la préparation est limité : il faut agir, même sans avoir toutes les ressources nécessaires à sa portée. Cela n’exclut pas cependant la mobilisation de la pensée critique : l’action doit être guidée à la fois par la direction donnée par l’administration et par l’attention aux événements qui arrivent dans le moment présent. La situation est exceptionnelle, incertaine, anxiogène et dangereuse, et, bien loin d’être une faiblesse, les émotions sont là pour nous le rappeler. Elles nous offrent des informations précieuses sur ce qui est en train de se passer et des pistes pour l’action. Par exemple, l’anxiété ou la peur signale un danger plus ou moins certain. Il s’agit alors d’identifier ce qui est menacé, puis de déterminer les comportements à adopter et les ressources à mobiliser pour réagir de manière constructive. Au travers de l’exemplarité de ses attitudes et de ses actes, le gestionnaire peut ainsi constituer un modèle pour ses collaborateurs. De plus, en offrant son soutien concret pour aider à surmonter les obstacles au fur et à mesure qu’ils se présentent, il peut renforcer l’adaptabilité de son équipe et résoudre les éventuels conflits, contribuant ainsi à naviguer à travers la crise.