Face à la pandémie du coronavirus, les entreprises doivent plus que jamais faire preuve de résilience. Comment s’y prendre? Deux expertes en stratégie et management nous expliquent.

Les bourses dégringolent, les chaînes d’approvisionnement sont menacées, les employés sont malades. La COVID-19 fait bien des ravages. Selon l’experte-conseil en stratégie et leadership et coauteure de l’ouvrage Type R : Transformative Resilience for Thriving in a Turbulent World, Ama Marston, une crise de cette ampleur nous secoue jusqu’au plus profond de nous, remet en question les façons de faire et crée des défis inédits. Au point où il sera difficile, voire impossible, de faire marche arrière et de retrouver une vie normale. « Je ne pense pas qu’on puisse passer au travers de quelque chose d’aussi dévastateur sans se poser de nouvelles questions », précise-t-elle.

Pour naviguer dans ces eaux troubles, les entreprises doivent faire preuve résilience, cette aptitude à rebondir face à l’adversité, dit Ama Marston. Elle ajoute que l’avenir appartient aux cadres, aux employés et aux chefs d’entreprise qui savent évoluer dans un climat d’incertitude et qui peuvent utiliser l’adversité, le changement et les défis mondiaux « comme des occasions d’innover et de réaliser des progrès ».

La résilience pour garder son sang-froid

Les entreprises qui possédaient un plan d’attaque et des politiques axées sur la résilience avant la crise de la COVID-19 s’en tireront probablement mieux, croit Ama Marston. Elles avaient assurément déjà planifié des mécanismes d’adaptation. C’est plus facile de garder son sang-froid si on est convaincu de notre capacité à passer à travers une telle crise.  

Cet état d’esprit positif a fait ses preuves, notamment du côté de certaines entreprises qui ne peuvent se permettre d’échouer, comme les centrales nucléaires et les casernes de pompiers. Il entraîne une communication plus efficace entre employés et cadres, un meilleur flot d’informations et un sentiment de confiance, estime l’experte-conseil.

La réaction des leaders

Il n’y a pas de recettes toutes faites pour contrer les effets dévastateurs engendrés par une crise comme celle de la COVID-19. C’est toutefois dans un contexte comme celui-ci que les leaders font voir leurs vraies couleurs, car cela « les force à revoir leur identité et leur façon de gérer », précise Ama Marston.

Dans un tel contexte, certains gestionnaires auront tendance à miser sur des solutions externes, par exemple le développement de nouvelles applications et d’outils de productivité ou l’embauche d’employés. Or, ces solutions reflètent une mentalité fix-it qui vise à réparer ce qui ne va pas au lieu de s’attarder au contexte plus large et de miser sur une culture de résilience, soutient Ama Marston. Il est clair que les gestionnaires ne sauront pas tout faire à la perfection, enchaîne Estelle Morin, psychologue de formation et professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal.

La résilience : innée ou acquise?

Estelle Morin explique que la définition même de résilience sous-entend « l’exposition à un choc, une véritable épreuve qui représente un danger, voire un événement traumatique qui met en jeu l’intégrité, la sécurité ou la vie d’une personne, d’un groupe ou d’une société. En d’autres mots, la résilience s’observe en situation de crise. » Si cette aptitude est plutôt naturelle, elle peut également se développer au fil du temps et au contact d’épreuves et de difficultés, fait valoir la professeure.

Certaines qualités contribuent à nourrir un état d’esprit propice à la résilience : la débrouillardise, l’esprit d’invention et la disposition à improviser des solutions avec les moyens du bord. Selon Estelle Morin, les cadres et les chefs d’entreprise devraient les cultiver, tout comme l’intelligence émotionnelle. Ils doivent savoir gérer l’anxiété,  avoir « le courage d’agir pour le bénéfice des employés et de l’entreprise, et avoir la maturité et le discernement pour exercer leur rôle ». En d’autres mots : ils doivent diriger.

Dans cette veine, les cadres doivent véhiculer des objectifs clairs inspirés de valeurs humaines. Cela se traduit, selon Estelle Morin, par la gestion du travail des employés, la protection de leur santé, la redéfinition de leurs objectifs de performance et la capacité de rassurer les plus anxieux « qu’il y aura un lendemain ».

Une bouffée d’oxygène

Selon Ama Marston, la notion de résilience transformative peut offrir une véritable bouffée d’oxygène en temps de crise. Elle se caractérise par le désir de s’adapter aux nouvelles réalités, de se doter de nouvelles ressources, de faire preuve de souplesse et d’ajuster, au besoin, la vision, les stratégies et les pratiques de l’entreprise.

Cet état d’esprit permet de voir qu’il est possible de tirer des éléments positifs des épreuves et des périodes de stress. Ama Marston mentionne que cela se fait déjà sentir dans ses conversations avec ses clients, où les discussions autour de la santé mentale prennent de plus en plus de place. Les organisations constatent de plus en plus que la santé mentale a une incidence sur la performance et la productivité des employés et qu’il est important d’y voir.

Selon Ama Marston, le développement de la résilience supposerait aussi une relation saine par rapport à la notion de contrôle : « Si nous tentons de nous accrocher à des choses hors de notre contrôle, il ne sera pas possible de s’adapter. Mieux vaut trouver une position mitoyenne, ce qui permettra de libérer de l’énergie et de pivoter vers des endroits où nous pourront exercer une influence. »

Or, pour voguer vers de plus beaux jours, « les meilleures analyses du monde » ne rimeront à rien si on ne passe pas à l’action, conclut-elle.